[Anjali Devgan Mode Courtier] New-York / En salle de danse.

Anjali se sentait rassurée face à la réaction des deux jeunes hommes, sa boulette n’avait pas été trop grave et Antonin leur proposa d’assister à la répétition s’ils le désiraient.

*Wow… des mégas stars qui jouent ici, dans ma salle de danse ! Il ne faut pas rater ça, c’est une occasion rare ! Mais j’ai trop envie de savoir ce que Grégoire est devenu depuis ce temps.*

Anjali hocha la tête et posa sa main sur le bras de son ancien camarade.
-« Viens, on va faire le café dans la salle de repos, on reviendra regarder la répétition. On ne peut pas rater ça ! » Fit-elle avec un grand sourire.

Elle prit soin de montrer à Antonin les installations de la salle pour y connecter les appareils, avant d’aller dans la salle de repos située de l’autre côté du couloir, derrière la réception du club de danse. Elle regarda derrière pour vérifier que Grégoire la suivait bien.

Grégoire sourit à Antonin en retour de son clin d'oeil. La température avait soudainement grimpé dans la pièce ou était-ce les hormones du français qui étaient en ébullition ? Quoi qu'il en soit, il laissa derrière lui le chanteur et prit Anjali par le cou afin de répondre à sa proposition.

« Allons-y. Alors comme ça, tu fais de la danse ? Mais, c'est ton métier ? Tu fais ça à temps plein ? » demanda t-il tout en se laissant guider par la jeune femme.

« Donc du coup, tu es restée ici, en Amérique, je veux dire... Moi j'ai essayé de rentrer chez moi mais... Enfin, me revoilà ici et je bosse maintenant pour la fondation Ganymède. Moi qui ne voulait plus entendre parler de lutte pro-mutante, me revoilà dans une organisation », dit-il en riant.

« Tu as des nouvelles des autres ? »

Cette question était tout à fait rhétorique. De qui pouvait-il bien parler parmi tous ceux qu'ils avaient laisser derrière ? Et puis, les chances pour qu'elle ait renoué des liens avec un quelconque ancien élève de l'Institut étaient infimes voire nulles.

Antonin écouta distraitement et poliment les explications d'Anjali quant au fonctionnement des installations sonores. Finalement, elle et Grégoire partirent boire un café dans une autre pièce. Quelques temps plus tard, une envoûtante musique provint de la salle de répétitions, signe qu'au moins le chanteur avait commencé à travailler.

Anjali avait ressenti un mélange de surprise et de trouble lorsque Grégoire lui passa le bras autour du cou en lui posant des questions. Elle n’avait pas remarqué combien il dégageait du charme quand elle l’avait connu.

Ce bras viril lui faisait ressentir en plein fouet ce contraste entre lui et sa féminité à elle. Elle se rendait compte à quel point elle avait été très absorbée par la réalisation de ses objectifs. Revoir Grégoire, le sentir poser son bras sur elle, lui donnait l’impression qu’elle avait cessé de respirer depuis des années. C’était très troublant.

Tout en le regardant, elle se remémorait le moment pivot de sa vie qui l’avait conduite jusqu’à ce studio de danse. Il lui avait posé des questions et elle se sentait gênée, presque honteuse de ce qu’elle avait vécu juste après l’exil forcé. Lui aussi était un déraciné, il semblait avoir trouvé sa place. Elle sourit lorsqu’il fit sa petite plaisanterie sur son implication dans une organisation malgré lui.

-« Non, pas du tout. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus. Rentrés chez eux pour la plupart je suppose.» Prononçant ces derniers mots, son cœur se serra. Elle ressentit une certaine nostalgie de son foyer familial, une expression fugitive de tristesse passa sur son visage. Elle baissa les yeux et prit la boite à café pour se donner une contenance.

-« Je suis danseuse et prof de danse. Enfin en partie, je participe aussi aux compétitions de danses. » Elle lui fit un large sourire et lança la machine à café. « Ça paye mes études d’ingénieur en audiovisuel. »

Elle sortit du buffet un grand plateau en bambou et posa quatre mugs design, une boite de sucre en verre et des dosettes de crème.

Elle sentait des émotions qui remontaient et cherchait à les canaliser. Il lui avait fait la remarque qu’elle était restée en Amérique. Cette pensée lui serrait le cœur et en même temps la faisait planer, sentiments contradictoires qui la blessaient au fond d’elle, même si elle affichait un sourire quoi qu’il advienne.

-« Je suis restée comme tu vois. Je n’ai pas trop eu le choix après la fermeture de l’école. Il a fallu que je fasse… euh, comment vous dites déjà ? » Anjali fronça les sourcils en cherchant le mot juste.
-« Ah oui voilà ! Mon coming out avec ma famille. Comme tu peux le deviner, ça ne s’est pas très bien passé. »

Sa voix s’érailla légèrement sous l’émotion.
-« Mon grand-père a réussi à calmer mon père mais à une condition. Que je reste en Amérique et que je me débrouille seule. Du coup pour payer mes études, j’ai fait ce que je savais le mieux faire : Danser ! » Acheva-t-elle d’un geste gracieux dans une esquisse de danse en le regardant dans les yeux, un sourire rayonnant qui affichait son réel plaisir de danser.

Au même moment, elle entendit une sublime musique s’élever de la salle de danse. Curieux hasard, elle regarda Grégoire, pensive et légèrement rougissante. Elle venait de se demander comment il dansait et bougeait. Et surtout d'autres pensées beaucoup plus intimes, elle remercia Shiva qu'il n'était pas télépathe. Elle aurait été embarrassée qu'il surprenne ses pensées.

Sautant du coq à l'âne, elle lui posa une question pour cacher son trouble.
-"C'est quoi Ganymède? ça me dit quelque chose, il me semble avoir lu ce nom quelque part."

Grégoire n'espérait pas de la belle indienne qu'elle lui fasse une listes exhaustive de tous les anciens élèves qu'elle avait revus mais quand même, il s'attendait à plus qu'à un « je ne sais pas ce qu'ils sont devenus ». Grégoire du admettre qu'il était un peu déçu. Malgré tous les souvenirs que cette question pouvait faire surgir en lui, Grégoire se rendit compte que son amie n'était pas plus à l'aise avec cette période de sa vie. Ainsi, il fit en sorte de changer de sujet assez rapidement. Malheureusement, sans savoir que ce sujet, aussi, était délicat à aborder pour Anjali. Il l'écoutait raconter la révélation de sa différence auprès de ses parents et son récit fit résonner en lui sa propre histoire, bien que différente.

Antonin devait certainement s'être mis à chanter puisqu'une musique des plus sucrées leur arriva aux oreilles. Grégoire sourit et s'aida du meuble sur lequel il s'était appuyé pour se redresser. Il n'avait été très sympa de balancer à la figure d'Anjali toutes ces questions synonymes de blessures passées. Il tenta de se faire pardonner. Il attrapa ce qu'elle avait dans les mains et le posa sur le plateau.

« Danseuse, hein ? » dit-il, l'oeil amusé, alors qu'il attrapa la jeune femme par la main pour la tirer vers lui et improviser quelques pas de danse. Il ne savait pas exceptionnellement bien danser mais sa connaissance du rythme lui permettait de bouger de façon régulière sans passer pour un empoté. « Je crois que j'aurais bien besoin de deux ou trois leçons, non ? » dit-il en se moquant de lui-même.

Il se distança de la mutante et lui fit faire un tour sur elle-même – une des seules passes qu'il savait faire.

« Ganymède c'est une fondation à vocation humanitaire. Ils aident les humains, les mutants, tout ceux qui ont besoin d'aide pour trouver leur place dans le monde. Et c'est ça d'ailleurs qui m'a plu. Et c'est rigolo, parce que ma première mission a été de... ». Grégoire se stoppa net. Il avait été envoyé ici par Markus et par le plus grand des « hasards », il s'était retrouvé en face de son ancienne camarade d'Institut. Il avait cru avoir été envoyé pour assister les deux musiciens mais il n'avait pas pensé qu'il avait pu être missionné pour retrouver Anjali. Il ne dit rien, ne voulant pas influencer l'indienne.

« ...de me retrouver là », conclut-il. « C'est dommage que tu aies déjà du boulot, sinon je t'aurais présenté Mr Wiseman. Il est très sympathique. Et puis, je suis sûr qu'il y aurait pu avoir une belle clientèle en demande de cours de danse particuliers là-bas. »

Grégoire s’était emparé de ce qu’Anjali avait dans ses mains pour les poser sur le plateau. Elle se sentit frissonner lorsqu’il saisit sa main et l’attira à lui, il lui fit une petite danse improvisée. Il bougeait bien, bien que ses pas fussent simples, il était très agréable d’être dans ses bras. Anjali suivait le mouvement sans difficulté au rythme de la mélodie. Elle sourit lorsqu’il fit une autodérision sur ses capacités de danseurs.

-« Je peux t’apprendre quelques trucs en effet. » fit-elle. Elle glissa sa main le long du dos du jeune homme pour finir sur ses reins. Elle se recula et le regarda de la tête aux pieds. « Tu es souple et en bonne condition physique, tu peux progresser avec un travail régulier. Enfin, si je suis ta prof ! » Le taquina-t-elle d’une mine sérieuse. Elle ne put s’empêcher de sourire, les yeux pétillants.

Il recula et la fit tourner sur elle-même, elle suivit le mouvement avec une souplesse de chat et revint vers lui. Il commença à lui expliquer ce qu’était la fondation Ganymède. Il regretta qu’elle ait déjà du travail car selon lui la fondation pouvait beaucoup lui apporter.

-« Monsieur Wiseman ? C’est le fondateur de Ganymède ? Tu le connais bien ? Je ne sais pas… Il faudrait que j’en parle avec Kyliann, mon patron et entraîneur pour savoir ce qu’il en pense. Je ne peux pas le lâcher direct sans prévenir. Je m’étais engagée à donner des cours jusqu’à la fin de l’année. Il reste encore un mois environ avant le spectacle de fin d’année et les examens. » Elle était intéressée par la fondation, son côté pro mutant. Elle qui rêvait tant de pousser les gens à s’ouvrir aux mutants et à danser ensemble, dans la joie et la paix. Mais elle hésitait, prise entre ses responsabilités et ses désirs, le choix n’était pas facile. Elle posa la tête sur l’épaule du jeune homme et soupira.

-« Ça va être chaud, mais pourquoi pas. Il faudrait que je parle avec ce monsieur pour savoir ce que ça pourrait m’apporter. Surtout que financièrement ce n’est pas facile entre les trois heures de cours de danse par jour que je donne, les cours à l’université, mon entraînement pour les compétitions de danse et mes révisions. La bourse d’études qu’on m’a accordée et bien insuffisante pour les frais d’université et vivre correctement. Les prix que je gagne dans les compétitions c’est justement pour m’en sortir.»

Elle se recula et regarda Grégoire dans les yeux. L’aventure qu’il lui suggérait d’emprunter la tentait et l’effrayait en même temps. L’humanitaire, ça lui plaisait beaucoup, mais… Elle se mordit la lèvre inférieure, un tic dont elle n'arrivait pas à se débarrasser lorsqu'elle se sentait inquiète ou indécise.

-« Grégoire, je ne te garantis rien, je ne peux pas me permettre de perdre mes revenus, je ne pourrais pas avoir mon diplôme sans ça. Et comme je te l’ai dit, je ne peux plus compter sur ma famille. Je suis toute seule ici. Sans Kyliann, dieu sait où j’aurai fini. Peut-être dans la rue, affamée ou morte. Le gouvernement a été sans pitié avec nous il y a trois ans et nous a même interdit de nous soutenir mutuellement dans notre exil. »Elle serra les lèvres en disant ces derniers mots, comme si ça lui faisait encore mal d'y penser.

L’alarme de la machine à café la rappela à ses devoirs. Elle prit la cafetière pleine de café fumant et la posa sur le plateau. Elle se passa les mains sur son front et se cambra en se tenant les reins.
-« Enfin, tu peux me donner ton numéro pour qu’on se retrouve demain matin par exemple, je n’ai pas cours en ce moment vu que c’est la période des révisions. Ça te va ? »

Cela devait faire quelques années que Grégoire n'avait pas dansé et bien qu'un peu rouillé, il apprécia à sa juste valeur ce moment partagé avec Anjali.

La discussion devînt soudain un peu plus sérieuse lorsqu'ils abordèrent la fondation et son dirigeant local.

« Oui, c'est bien Wiseman. Markus Wiseman. Il n'est pas le fondateur mais c'est lui qui supervise toutes les opérations du secteur. Non, je ne le connais pas si bien que ça mais il m'a paru assez sympa et plutôt fiable. »

La proposition de Grégoire semblait faire son chemin toute seule dans l'esprit de la jeune indienne et il apparu à Grégoire qu'il n'aurait même pas besoin d'insister.

« Non, mais Anjali... », lui dit-il en lui passant une main dans les cheveux. « Ce n'est pas l'armée, et tu ne t'engages pas pour y vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ce n'est pas l'Institut. On garde une vraie liberté, regarde, je suis là ! » dit-il en tendant les bras comme pour lui prouver qu'il était bien libre de ses mouvements.

« En aucun cas tu n'as à revenir sur tes engagements pour l'instant. Ecoute, le mieux est peut-être que tu te fasses une idée avant de trop cogiter. Que dis-tu de m'accompagner tout de suite à la Fondation ? Je ne te parle même pas de rencontrer Markus ou quiconque. On y va, on fait un tour du bâtiment, des services et puis comme ça tu te fais une idée. Tu pourras même appeler ton entraîneur sur le chemin si tu veux. »

L'idée qu'Anjali puisse parler aussi librement à son entraîneur surprit Grégoire. Il n'avait, pour sa part, personne de confiance vers qui se tourner dans une situation similaire. Il ne savait pas dans quelle mesure c'était un avantage ou un inconvénient. Quoi qu'il en soit, il ne voulait pas que la situation se retourne contre la mutante.

« Je ne sais pas si tu devrais lui parler de la fondation Ganymède. On en sait jamais comment les gens peuvent réagir. Et puis, tu auras bien assez le temps d'en parler si tu décides de nous rejoindre, non ? »

Le café prêt, les deux mutants se préparèrent à aller servir Antonin et Chris.

« On les sert et puis on va faire un tour ? De toutes façons, ils vont squatter ta salle toute la soirée je pense », dit-il en prenant le plateau et en adressant son plus beau sourire à Anjali.

Grégoire la rassura sur la liberté de planning qu’elle aurait malgré tout si elle se lançait dans Ganymède.

-« Oui mais… Enfin j’ai déjà un planning de fou… je ne sais pas. Il faut voir. »

Il lui proposa d’y aller tout de suite après avoir apporté le café aux artistes qui s’entraînaient.

-« Hein ? Déjà ? Tu es bien pressé de te retrouver seul avec moi toi ! » Fit-elle en lui faisait un clin d’œil malicieux. Elle ne put s’empêcher de se reculer contre la table et de poser ses mains dessus, cambrant ainsi son torse, mettant en valeur ses courbes féminines de façon innocente. Ou pas.

Elle secoua ses cheveux et finit par se retourner pour prendre le plateau et elle se dirigea vers la porte.

-« D’ailleurs je pensais que tu aurais aimé profiter de la répétition pour écouter et regarder nos idoles, après tout ce n’est pas tous les jours qu’on peut les voir de si près et gratuitement en plus ! » lança-t-elle avec un sourire en frôlant le jeune homme au passage.

Grégoire éclata de rire lorsqu'Anjali pensa démasquer sa vraie motivation. Se retrouver seul avec elle ? Pourquoi pas. Mais... Ils l'étaient déjà. Et il n'en avait pas profité. Bien sûr, Grégoire aurait pu poser sa main sur sa peau ambrée et goûter à ses lèvres safranées. Mais le jeune homme n'en fit rien. Il se contenta de la regarder et de lui sourire. Il savait que sentimentalement il n'était capable de rien de sérieux et Anjali lui semblait bien trop gentille pour souffrir.

"On peut regarder un peu la répèt et puis filer ensuite, non ? Et puis, si vraiment la fondation ne t'enchante pas, je t'emmène manger quelque part pour me faire pardonner de t'avoir fait perdre ton temps", dit-il alors qu'il rapprocha son visage de celui de la jeune indienne.

Il lui déposa un baiser sur la joue d'Anjali et lui prit la main.

"On y va ?", dit-il en oubliant complètement les cafés.

Anjali fut surprise du baiser sur la joue que Grégoire lui avait donné, elle ne pensait pas qu'il irait loin dans le jeu, elle en rougit. Toutefois ce n'était pas désagréable.

Il lui prit la main et lui posa une question à laquelle elle ne sut répondre.
*Que veut-il dire? Où ça? la fondation ou regarder nos stars?* Pensa Anjali. elle finit par répondre.
-"Oui, je te suis." Fit-elle, décidant de lui faire confiance. Après tout, elle aimait bien cet imprévu dans son planning, elle devait arrêter de se sentir obligée de bosser tout le temps, un petit intermède était le bienvenu.

Grégoire tira Anjali par la main et la fit passer devant lui afin qu'elle franchisse la porte en première. Passant devant la salle de répétition, Grégoire fit un signe à Antonin pour lui indiquer qu'il rentrait, sans les déranger. Les deux musiciens, s'ils avaient vraiment envie d'un café, réussiraient bien à trouver la cuisine par leur propre moyen.

Grégoire quitta le bâtiment accompagné d'une nouvelle recrue pour Ganymède. Il se demandait quelle réaction aurait Markus en le voyant rentrer de sa première mission avec une ancienne élève de l'Institut.

Fondation Ganymède