[3 septembre 2112] Réunion au sommet

Attablé en face de Michael à la table de bar, Jeremiah cachait sa nervosité du mieux qu'il pouvait, les yeux rivés sur l'écran du portable sur lequel il suivait actuellement les actualités. Rien de nouveau sous le soleil, les promesses d'extermination planaient toujours. Charmant, vraiment. De quoi embellir une rentrée universitaire qui le stressait déjà passablement. La preuve, il n'avait pas encore touché à la tasse de café posait à côté de lui. Et puisque son cher colocataire avait décidé qu'il n'y avait aucune bonne raison de fumer, pas plus les examens que la rentrée ou qu'un possible génocide prochain, il n'avait plus qu'à se ronger les ongles jusqu'au sang.

"Tu sais Micha', si on doit tous mourir bientôt, que ce soit dans cinq secondes ou dans cinq jours, j'aurai de toute façon pas le temps d'être malade avant..." Argumenta-il une dernière fois, en désespoir de cause.

L'autrichien avait décidé de sortir un peu son colocataire dont la méfiance naturelle virait vite à la paranoïa, histoire de lui changer les idées. Le geek avait bien géré le changement d'université tant qu'il n'avait pas eu besoin d'aller en cours mais devoir se ré-habituer à des amphis et des couloirs plein d'étudiants ne l'enchantaient pas, surtout si c'était pour se faire décimer bientôt. Non, ça n'avait rien à voir, et alors ?

"Tu crois qu'on attend combien de temps avant de demander à Markus s'il a des nouvelles ?"

-Honnêtement, petit poulet poltron! S'il avait fallut qu'à chaque menace, les gens y voient leurs derniers jours et se conduisent comme s'ils étaient déjà morts, elle aurait fière allure, l'humanité!

Parlant de fière allure, celle de l'Autrichien n'était pas si bonne non plus. Il avait des cernes qui trahissaient son manque de sommeil, et ses traits tirés laissaient présager de ses propres tourments et inquiétudes. Il avait beau faire le fier et donner de grandes leçons, au final il se sentait aussi impuissant que le prochain mutant.

Il jeta un regard noir à son colocataire : il avait sciemment choisi le dernier mot, car c'était ainsi qu'il s'était toujours considéré, humain. Ils avaient beau toujours s'agacer et se prendre le bec, la colocation allait bon train et le temps passait sans qu'il ne s'en rende compte.

Entre deux gorgées de blonde, Jeremiah lança une pierre dans la mare. Heureusement qu'il venait de reposer sa pinte, sans quoi il se serait étouffé.

-J'ose espérer que s'il en await, il nous les aurait déjà données! Moi, je crois qu'il n'en sait pas plus que nous. Tu sais ce que je pense? demanda-t-il, interrompu par l'arrivée d'une troisième personne.

Grégoire était entré dans le bar quelques minutes plus tôt et avait parcouru le lieu du regard avant de tombé sur les deux comparses, tranquillement installés à une table en train de siroter une bière. Il s'approcha d'eux, l'air circonspect et interdit.

"Salut", dit-il en embrassant discrètement Michael. Il posa sa besace à terre et s'approcha de Jeremiah afin qu'il se pousse pour lui laisser une petite place sur le banc qui faisait face à Michael. Une fois assis, il prit un instant avant de parler, conscient qu'il venait d'interrompre la discussion des deux Ganymède.

"Vous n'êtes pas au courant ? Ca y est, la chasse aux lapins est ouverte !" dit-il l'air inquiet. "Je suis pas rassuré de rester ici. Je pense qu'on devrait retourner chez Ganymède. Markus a forcément une idée ou un point de vue sur tout ça."

Il chercha dans les yeux de Jeremiah et de Michael un soutien quelconque alors que son téléphone se mit à sonner. Il regarda l'écran et pianota rapidement. La sonnerie s'arrêta.

"C'est mon père. C'est le sixième appel. Il me demande de rentrer en France. De pas risquer ma vie ici. Je peux vous ramener avec moi si vous voulez."

Grégoire proposait cette solution en toute connaissance de cause: les deux jeunes hommes ne fuiraient pas devant le danger grandissant et défendrait sûrement leur cause. Grégoire quant à lui, se demandait si cette cause ne les dépassait pas un peu.

"Poulet mes fesses." Ronchonnait Jeremiah dans sa barbe quand Greg les rejoint. Adieu sa clope, son coloc' avait réussi à dévier le sujet vers des considérations plus philosophiques qui ne touchaient pas vraiment le geek. Pas plus que le regard noir pour appuyer son dernier mot : le fait était tellement évidement pour Jeremiah qu'il ne voyait pas de raison de le souligner. Se poussant un peu, l'américain laissa une place à Grégoire qu'il écouta silencieusement. Sans pouvoir parler de franche amitié entre eux, le climat s'était nettement détendu ces dernières semaines.

"Sans trop vouloir m'avancer, je crois que la France fait parti du monde. Tu serais près d'eux, mais pas moins en danger." Remarqua-t-il d'un air absent en prenant une gorgée de son verre. C'était le pro du cache-cache qui s'exprimait : il s'était planqué longtemps et avait évidemment envisagé l'idée, comme à chaque mission qu'il avait effectué à l'Institut en son temps, mais pour le coup, leur choix était restreint : se battre ou mourir. Purée, on allait encore dire qu'il se prenait pour Conan.

Le geek haussa les épaules quand son voisin de table évoqua Markus :

"On lui laissait le temps de faire Big Brother, histoire qu'y ait matière à discuter."

Le visage de Michael s'illumina en reconnaissant son amoureux. Il lui rendit son baiser et le laissa aller s'asseoir en laissant glisser sa main sur la hanche de Grégoire. Michael lui laissa le temps de s'asseoir, puis lui répondit.

-C'est justement de ça qu'on parlait. Je disais que je ne suis pas d'accord : Markus ne doit pas en savoir bien plus que nous, sinon il nous aurait mis au courant! Il ne peut pas faire de secrets sur un sujet aussi important quand même!

Une nouvelle gorgée. Michael haussa un sourcil, se demandant qui pouvait bien écrire à Grégoire, mais il n'eut pas à formuler de question et la réponse vint d'elle-même. Aller rester en France? Pourquoi pas. Ca ferait de chouettes vacances, même si ca ne devait pas être bien moins plat que l'Est américain, mais bon, on ne peut pas tout avoir non plus. Il acquiesça à l'argumentaire infaillible de Jeremiah, prit une nouvelle gorgée et poursuivit.

-En fait, moi je dis ça comme ça, mais quant à rester dans le noir et ne rien sawoir, pourquoi ne pas aller investiguer? En plus, qu'on soit près de leur prétendue super-invention ou pas, il parait qu'on risque autant de se faire... bref. Vous en dites quoi?

Grégoire écouta ses deux comparses lui démonter son plan en quelques secondes. Ils n'avaient pas tort, à vrai dire.

"Mes parents sont assez influents dans ma province et peut-être qu'ils croient pouvoir mieux me protéger..." dit-il les yeux plongés vers la table sur laquelle ses mains s'étaient rassemblées. "De toutes façons, je ne partirai pas en vous sachant ici sous le feu de ces dingos".

Il sourit à Jeremiah lorsqu'il mentionna leur Big Brother de responsable. C'est vrai qu'il s'était déjà demandé si Markus avait utilisé ses pouvoir pour mater sous les douches ou espionner ses flirts et vérifier leur fidélité. Il avait l'oeil espiègle. Il l'avait certainement fait. Qui n'aurait pas été tenté à sa place ?

"Investiguer ?" demanda Grégoire le sourcil relevé. Ca y est, son petit-ami se reprenait pour le sauveur de l'humanité. "Heu... Bah c'est à dire que... Vous n'avez pas peur que cela soit un peu grand pour nous ?" demanda t-il en cherchant du soutien auprès de Jeremiah.

"Boh... Après tout... J'avais juste prévu de boire un verre avec Jason ce soir. Je vais l'appeler pour le prévenir qu'à la place je vais risquer ma vie pour la cause", dit-il l'air détaché en sortant son téléphone.

Les mains enfoncés dans les poches, Jeremiah s'était appuyé à la cloison derrière lui et haussa les épaules quand Grégoire le regardant à la recherche d'un soutien. L'affaire était énorme, soit. Mais essayer n'empirerait pas la situation. Ceci dit si Micha' n'avait pas tort, leurs informations étaient tellement minces...

"C'est bien joli, mais on commence par où ? L'info venait d'où, directement de leur gouvernement ?"

Abandonnant son appui pour se pencher par dessus la table, il envoya machinalement une pichenette à son verre qui ne broncha pas.

"Notre première source est la plus fiable, ça reste quand même Markus. Et on en revient à attendre, à moins que vous ayez une idée de génie."

Le geek redevient silencieux, laissant planer un ange entre les trois conspirateurs pendant que Grégoire finissait son message à Jason. L'avisant du coin de l’œil, il se secoua un peu et saisit lui-même son portable :

"J'vais quand même lui faire un mail, au cas où il aurait pas prévu de nous sonner quand il aurait quelque chose. On sait jamais. Ses doigts volèrent sur le clavier et alors qu'il finissait son message, il conclut simplement. En attendant, à part ratisser les médias, j'vois pas bien..."

Y'avait pas à dire, se saouler la gueule, c'était assez surfait. ça avait toujours l'air d'être une bonne idée au moment ou on le faisait, même si il y avait comme une petite voix qui tentait mollement de vous prévenir. Et puis, tout devenait plus joyeux, plus simple. Seulement le lendemain, quand les cheveux commençait à pousser à l'intérieur du crâne, on se rappelait de la petite voix, et elle s'en donnait à cœur joie pour vous narguer.

"vas te faire foutre", l'invectiva le jeune homme. Jason était dans ses petits souliers, une fanfare ayant décidé de répéter dans son crâne, trouvant l'acoustique assez satisfaisante pour elle.

Le pire dans tout ça, c'est que Grégoire, qui le narguait d'ailleurs sans le savoir avec son petit ami d'autrichien, lui proposait de remettre ça ce soir. Mais comment refuser ça au joli français. Soupir. Même après tout ce temps, Luther lui manquait. C'était pathétique. Il avait eut des plans, bien sur, et c'était bien agréable, mais l'humour cinglant, la fausse naïveté, et son approche de la vie lui faisait cruellement défaut en ce moment ou une menace pesait sur toute la communauté mutante.
Il fronça les sourcils alors que son téléphone sonnait, et , reconnaissant avec un pincement au cœur la sonnerie de Grégoire, il répondit immédiatement.

(...)

Quand l'irlandais arriva au bar, il constata avec un certain soulagement que plusieurs nationalités étaient déjà bien représentées autour de pintes de bierre. Il fit son plus beau sourires aux convives, et, ramassant une chaise au passage, se fit une petite place auprès de ses amis. Il fit la bises à ses camarades, avec un petit coup de poignard au cœur au moment ou il saluait greg, et repris l'habitude exaspérante d'ébouriffer son geek de pote, jeremiah. Michael n'avait pas changé, mais son regard pétillait de malice, ce qui lui allait plutôt bien.

"alors ? on va sauver le monde ou nos miches autour de pintes de bieres ? Non parce que moi, en ce moment, j'ai zero inspiration artistique... ça ou autre chose...", fit -il, faussement détendu alors qu'il avait la peur au ventre depuis quelques temps et que ses beuveries n'étaient pas arrivées par hasard.

Chacun des trois comparses tentait de tirer la couverture de son côté, mais Grégoire abandonna bien rapidement son idée d'exil français pour se ranger aux côtés de Jeremiah. Michael tenta de ne pas montrer à quel point ça lui faisait plaisir de les voir enfin devenir... bon, peut-être pas amis, mais au moins ils n'étaient plus ennemis non plus.

"Grand, grand, c'est wite dit!", opposa l'Autrichien en voulant prendre les mains de Grégoire, qui se défilèrent comme il allait chercher son téléphone pour appeler Jason. Pendant ce temps, il médita sur sa réponse au geek. Dès que les gadgets électroniques furent de nouveau rangés, il répondit.

-Je l'ai entendu à la radio, donc pour ce que ça waut. Mais il doit bien y avoir eu un communiqué officiel...

Il but une nouvelle gorgée et eut comme un éclair de génie. Depuis le temps qu'il y pensait (bon, une ou deux journées) et qu'il voulait en parler à Miah...

-Au fait, pour la chambre wide, j'y ai réfléchi et je voulais ton awis, tu crois que ça ferait du bien à Jason d'avoir des colocataires, toi? Greg semble dire qu'il ne l'a pas très facile. Et puis ca te ferait un autre baby-sitter pour quand je suis pas là... conclut-il, moqueur, tout en sachant que le ventre de Jeremiah était toujours un facteur décisionnel important, et que Jason faisait plutôt bien à manger.
L'Américain râlerait sûrement que ça voulait dire qu'ils risquaient d'être quatre dans l'appart, alors qu'il commençait à s'habituer d'y être seul quand Michael sortait avec Grégoire. D'ailleurs, avant que ses mains ne disparaissent de nouveau, le germanophone les lui prit.
Quelques gorgées plus tard, la pinte était terminée et Jason fit son apparition. Michael le salua avec un peu de maladresse. Il avait beau avoir mis leur rivalité derrière lui (avec raison d'ailleurs, n'avait-il pas gagné?), il ne se sentait toujours pas aussi à l'aise avec le bel Irlandais que le Français ou le Geek. Encore une fois, pas d'inimitié, mais pas forcément d'amitié non plus, il l'appréciait suffisamment pour être content de le voir quand il le rencontrait.

-À les entendre, tous les deux, on croirait que leur tactique est simplement de nous décourager jusqu'à ce qu'on se laisse mourir de faim! Content que tu ne sois pas tombé dans le piège! rétorqua-t-il à l'introduction de Jason, en levant la main au-dessus de la table pour qu'il la lui tape.

-Et puis moi je dis, si Markus n'a pas d'informations à nous donner, on n'a qu'à demander à un hacker de faire le trawail pour nous! Il fit un clin d'oeil au geek, puis continua, moins fort et moins optimiste. Ou alors à un super-hacker, ça doit bien exister non?

Ensuite, il fit signe à la serveuse de leur ramener 4 pintes.

La serveuse leur apparut sous les traits de Maureen. D'un discret mouvement de la main, elle avait fait signe à Lola, sa collègue, qu'elle s'occupait de la commande des quatre garçons. Elle s'en tira avec un haussement d'épaules je-m'en-foutiste à titre de réponse et s'en retourna d'autant plus vite à son service.

Un sixième sens l'avait avertie de l'arrivée de Michael et son regard ne l'avait pas vraiment lâché plus d'une ou deux minutes d'affilée. Presque à contre-cœur, ou, pour le moins, à contre sens, son oreille s'était tendue et avait capté quelques bribes de conversation.
Non, elle ne connaissait ledit Michael que très peu. Et non, elle ne l’espionnait pas, lui et ses camarades. Mais... La curiosité... L'ennui... Le sentiment permanent de ne pas vraiment être à sa place... Et l'orgueil un peu bousculé de ne pas lui avoir tiré un regard. Pour sûr, l'uniforme de serveuse, cet uniforme qu'elle n'enfilait que depuis une petite semaine pour nourrir ce corps que la danse ne suffisait pas à faire vivre, la fondait d'office dans le paysage. Pour sûr, elle n'était pas si inoubliable. Pour sûr, elle aurait dû se contenter de rester à l'arrière-plan.

Mais dans les visages des camarades, elle avait cru reconnaître des traits croisés au hasard de ses pérégrinations à la Fondation. Des traits ou une empreinte émotionnelle. Les uns se fondaient aux autres si aisément dans ses souvenirs.

Aussi, ce fut avec un sourire un peu crispé chevillé au visage que Maureen fit halte auprès de leur table, un plateau perché au bout de son bras droit.
Elle savait pertinemment qu'elle aurait dû se contenter de déposer chacune des boissons en face de son propriétaire, esquisser une courbette et disparaître sans laisser rien d'autre qu'une vague présence dans leur mémoire à court terme. Au lieu de quoi, elle raffermit son sourire, redressa la tête et osa un :

« Messieurs .. »

Qu'un seul d'entre eux la remarque. Qu'un seul d'entre eux fasse le lien. Qu'un seul d'entre eux mette un prénom sur son visage.

* Et sinon quoi ? *

Son service terminait dans quelques minutes. Elle pourrait toujours aller se terrer quelque part en attendant que ses joues cessent de cuire de honte. le ridicule n'avait jamais tué personne, paraissait-il.

« Jason arrive », annonça t-il, l'air joyeux.

Le français écoutait ses deux compagnons énumérer le peu de choix qui se présentait à eux. Mais bientôt, son attention se focalisait davantage sur les boissons présentes sur la table et qui allaient et venaient devant son nez. Sa bouche était sèche.

Michael changea de sujet et lança l'idée d'inviter Jason à rejoindre l'appartement dans lequel Grégoire passait le plus clair de son temps pour profiter de son beau germain qu'il ne quittait plus. L'aérokinésiste regarda Jeremiah du coin de l’œil, se demandant comment l'américain allait réagir à une nouvelle intrusion dans son cocon.

Il poussa du coude son meilleur ennemi, l'air moqueur : « Va falloir que tu te retranches à double tour si tu veux être tranquille chez toi ! Remarque, au pire, vous pourrez toujours lier connaissance avec Jason. Je suis sûr qu'il saurait te décoincer ! ». Discrètement et en un instant, les mains de l'autrichien se saisirent des siennes. Gros coup de chaleur. Le français baissa la tête. Il ne releva les yeux que pour regarder tendrement celui qui le faisait vibrer.

Jason choisit ce moment pour entrer dans le bar et s'installer près de ses camarades, après les avoir salués. Grégoire passa son bras autour du cou de Jason pour lui signifier qu'il était content de le voir. Il savait qu'il n'allait pas bien mais il était incapable de l'aider à sortir du marasme de ses pensées. Il se disait qu'une bonne vieille démonstration d'affection ne pouvait faire que du bien. Si seulement Jeremiah pouvait s'intéresser à autre chose qu'à la bière, ils auraient pu faire un beau couple avec Jason !

Cette idée saugrenue en tête ne fit pas long feu. Les jeunes gens étaient repartis dans leur projection de mission d'information. Un hacker ? Si ce n'était pas pour les beaux yeux de son germain, il aurait sûrement fuit depuis bien longtemps. Mais ce dernier savait comment l’appâter : il se décida enfin à commander pour lui.

A mi-voix, il lui glissa : « Danke mein leibe »

La serveuse apporta rapidement leur consommation. Grégoire s'en saisit et en but une énorme gorgée. Quel bonheur ! Ce n'est qu'au bout de quelques instants qu'il se rendit compte que la jeune fille aimable qui venait de les servir n'était pas partie. Il releva les yeux vers elle, un peu interloqué.

*Qu'est-ce qu'elle nous veux celle là ? Elle veut nous encaisser toute suite ?*

Grégoire regarda ses compères afin de savoir le premier qui allait oser briser le silence gênant qui venait de s'installer.

Le changement de sujet de Micha surprit son geek de colocataire qui ne répondit pas tout de suite, laissant passer quelques secondes de silence avant de s'exprimer sur le sujet :

"Lui faire du bien ? J'en sais rien. Enfin ça me dérange pas, mais passer d'un méga loft à un appart à partager, pas sûr qu'il soit chaud avec tout le bordel qu'il se trimballe."

Sans compter ce problème d'espace vital, il pressentait que la vision d'un couple débordant de niaiserie (en tout cas de son point de vue) ne serait pas forcément idyllique pour un célibataire qui le vivait mal. Oui, le geek avait des éclairs de génie parfois. Et un peu plus de délicatesse qu'autrefois puisqu'il se garda bien d'en faire part à ses camarades, aussi moqueurs soient-ils !

"Si c'est pour finir comme deux gros niais, je sais pas si tu vois qui je vise, non merci. En plus, faire connaissance... Ça va, je pense que je maîtrise à peu près la question !"

Jason les rejoint sur ses entre-faits et stoïque, Jeremiah se contenta de lui lancer un regard blasé quand il l'ébouriffa.

"J'étais en train de leur dire que t'avais été un vrai casse-pied quand on partageait la chambre à l'Institut !"

Dixit celui qui s'était toujours plaint de la gentillesse de son ex-colocataire, ne prouvant que deux choses 1) il aimait râler 2) il était allergique au fait de faire des compliments. L'avantage, c'est que si Jeremiah connaissait bien les petites habitudes de Jason, du moins celles qu'il avait il y a quelques années, l'inverse était réciproque en ce qui concernait ses moyens de communication... particuliers.

"Sinon oui. Micha' veut qu'on pirate les dossiers secrets d'un gouvernement, rien que ça !" Informa-t-il l'irlandais qui s'installait, lançant par la même occasion un regard moqueur à son coloc' actuel.

"Non sans rire, c'est sûr que ça serait un puits d'infos mais je sais pas combien de temps ça prendrait... Il y avait ce type à la fondation, Ethan... Je l'ai pas croisé depuis un moment, mais il était cyberpathe, un sacré coup de pouce pour ce genre de cas. Il est ptet retourner dans sa famille vu le climat actuel."

Une nouvelle pinte apparut devant son nez, ce qu'il apprécia à sa juste valeur vu que la sienne était vide, mais ce n'est que quand il en prit une gorgée qu'il se rendit compte que la serveuse n'était pas partie. Sa tête lui disait vaguement quelque chose, mais de là à la replacer dans un contexte...

Jason accueillis stoïquement la remarque de Michael, et se prêta de bonne grâce au "gimmefive" qu'il réclamait.

Grégoire finit de tortiller son couteau dans son cœur en passant son bras autour de son cou, mais Jason s'était résigner depuis longtemps maintenant. Il fallait passer à autre chose.

Quant à Jeremiah, il fit son Jeremiah. "oui hein ? j'étais exaspérant ? ça te manques, avoues ?" le taquina-t-il. Il savait lire entre les lignes, maintenant, ils n'avaient plus besoin de ça, tous les deux, pour se comprendre. Il se souvenait de ses remarques maladroites alors qu'ils avaient du tout quitter.

"bof, c'est pas tellement que je suis débordant de joie à l'idée de fourrer mon nez dans ce bordel, mais comme je l'ai toujours dit, si quelque chose me suit, je préfère me retourner pour voir de quoi ça à l'air... et l'affronter en face... Parfois ça a du bon" rajouta-t-il effrontément, espérant provoquer quelques rougissements par ci par la... Rien à craindre de Jeremiah, il avait trop pexé sur le je-m'en-foutisme pour que ça marche, mais il avait de l'espoir pour Micha et Greg...

C'est avec un curieux détachement que l'irlandais observait ses camarades attablés avec lui. Se retrouver régulièrement en galère, il avait l'habitude maintenant. On aurait presque dit qu'il enfilait un vieux vêtement, bien confortable. La nouveauté, si l'on put dire, c'est que ses amis avaient l'air de vouloir prendre les devant. Se mordillant distraitement la lèvre, Jason suivait les conversations et supputations qui allaient bon train.

"curieux quand même... Ou inquiétant, comme vous préférez... J'veux dire... Marcus est pas omniprésent, mais presque. Si un truc lui échappe, c'est que ça craint vraiment... Un super hacker hein ? nous faudrait carrément un mutant hacker... Ganymède doit bien en connaitre deux ou trois... Mais ça doit être coton... Les salopards qui ont inventé ce "remède anti mutant" doivent avoir le bras long, m'est avis qu'ils ont pris leur précautions..." il haussa les épaules. Il n'avait pas tellement d'autres trucs à proposer.
"bon et ce Ethan ? on sait ou il est maintenant ? Et... si on contactait Markus avant de se foutre trop dans la merde ? De toutes manières, si vous pensez lui cacher quelque chose, c'est mort..."

Le sourcil un peu arqué, tentant de réfléchir malgré la fanfare dans sa tête, il fit un sourire à la serveuse lorsqu'elle apporta les bières. Soigner le mal par le mal. Il fut un peu intrigué, alors qu'elle restait, et il se pourlécha les babines, pour se débarrasser de la mousse, s'apprêtant à lui demander... il ne savait pas quoi au juste. Il n'avait pas l'habitude de payer immédiatement sa commande, mais après tout. Il farfouilla son portefeuille.
"combien ? c'est ma tournée..." sigh... il pourrait pas jouer à ce jeu la bien longtemps... Les commandes abondaient pas en ce moment.

Sa tête lui disait vaguement quelque chose, mais ça prouvait rient. Il avait ptet du la croiser dans une de ses beuveries, peut être qu'elle officiait dans un autre bar avant...

Non mais, ils pensaient quoi ses deux naïfs d'amis? Michael comptait s'installer prochainement chez Grégoire -bon, ils n'en avaient pas parlé- et ne voulait pas abandonner Miah seul dans l'appartement, tout simplement. Il avait beau avoir des ressources visiblement illimité -il devait hacker les banques, ou Michael ne savait quoi-, être seul à la charge d'un tel appart représentait un poids.

Se rasseyant bien confortablement sur sa chaise -heureux que Jason ait répondu à son invitation et ne l'ait pas laissé pantois, la main en l'air-, Michael rougit légèrement en entendant l'allemand de son copain. "Bitte Schön", murmura-t-il avec un clin d'oeil, résistant à l'envie de se montrer trop démonstratif avec Grégoire en présence des deux célibataires.

L'Autrichien lâcha un soupir face à la mauvaise foi de son colocataire officiel, suivi d'un "Cool" lorsqu'il parla d'Ethan. C'était drôle, il avait semblé que Miah connaissait une super-hackeuse, il avait du se méprendre... Il lâcha un nouveau soupir et ne put s'empêcher de commenter, bougon.

-C'est quoi cette idée de retourner dans la famille? Ca lui semblait si fou d'aller chez ses parents pour qu'ils risquent de le voir mourir devant leurs yeux.

Il écoutait attentivement Jason et enregistrait les informations, pour lui répondre. Il semblait avoir longuement réfléchi au problème. Il commença par se défendre.

-Hey! J'ai jamais pensé rien cacher à Markus, mais je dis juste qu'on le contacte ou non, ça changera rien s'il a déjà décidé de ne rien nous dire de ce qu'il saurait.... Et puis bah, le pays est jeune, les failles doivent être grosses comme la terre! Je suis persuadé qu'on pourrait s'y retrouver dans ce gruyère informatique. Sans se faire pincer.

Les pintes neuves arrivèrent à ce moment et Michael remercia distraitement la serveuse, trop préoccupé par leur plan pour lui porter attention, du moins jusqu'à ce que Jason veuille payer. À ce moment, il lança un regard interrogatif à la demoiselle, plissa les yeux dans une de ses habituelles simagrées, puis les ouvrit tous grands en se souvenant : c'était la fille des quais. Elle était pas aussi chez Ganymède, se demanda-t-il en fronçant exagérément les sourcils. Comment s'appelait-elle encore, déjà?

-M... Marlène, c'est bien ça? Content de te voir, ça va bien?

Il se pencha à l'oreille de Jeremiah et lui glissa, avec la discrétion d'un Autrichien la veille de l'Oktoberfest :

-Tu te souviens, la fille dont je t'ai parlé, la danseuse de chez Ganymède? C'est elle!

« Combien ? »

Maureen baissa les yeux et piqua un fard. Au grand jeu du rougissement, elle était championne toutes catégories. il fallait bien avoir un domaine d'excellence, celui-là ou un autre, pour briller un peu dans l'anonymat général.
La question l'avait remise à sa place mieux qu'une bonne gifle et si elle ne s'était pas sentie aussi gênée, elle aurait réussi à ouvrir la bouche, énoncer un montant rigoureusement exact (13$80 les quatre pintes) et prendre la poudre d'escampette jusqu'à l'autre côté du comptoir qui prenait soudain des airs de no man's land. Mais ses lèvres restèrent closes, pour le meilleur comme pour le pire. Jusqu'à ce que Michael, enfin, l'identifie.
Opération tgv :

- Ouic'estçaouiçavabienmerciettoimême ?

Le tout, en dix secondes chrono. Un record. Le temps de reprendre son souffle, d'envoyer un sourire vacillant à la cantonade et hocher frénétiquement la tête aux présentations officieuses et à moitié silencieuses proposées par le même Michael. Fille, danseuse et Ganymède : oui c'était bien elle.

- Je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre des bribes de votre conversation et...

Et, bon, si, elle avouait, elle l'avait fait exprès ?
Et, elle, Marcus la faisait vraiment flipper alors songer à aller lui réclamer ne serait-ce qu'un bout d'information, même pas en rêve ?
Et elle n'avait pas de solution toute trouvée mais aurait bien rejoint de débat pour appuyer l'une ou l'autre des propositions d'un de ses vigoureux hochements de têtes ?
Si vous avez choisi la réponse trois, toutes nos félicitations, cher gagnant !

- Est-ce que je vous dérange... Je veux dire, est-ce que je pourrais me joindre à vous ?

L'inquiétude et les doutes étaient aussi son pain quotidien. Une réponse ou ne serait-ce qu'une ébauche de solution apaiseraient peut-être ses insomnies.
Par maladresse ou par tentative de diplomatie, ou peut-être seulement par obligation, Maureen s'éloigna momentanément de leur table pour débarrasser les tasses délaissées d'un couple qui venait de sortir. De quoi leur laisser le temps à tout quatre pour trouver une excuse polie et l'évincer... si nécessaire ou si voulu. Promis, elle n'écouterait pas. Enfin, pas trop.

A l'entendre se moquer ouvertement de leur comportement niais, Grégoire marqua son indifférence par un haussement d'épaules et un roulage d'yeux en bonne et due forme. Aucun humour ce geek: un vrai cas désespéré. Il n'en rajouta pas et se concentra sur l'affaire qu'il continuait à développer.

"Pourquoi pas contacter votre cyberpote mais je serais aussi d'avis pour contacter Markus, parce que bon...", dit le français sans terminer sa phrase. Il jeta un coup d'oeil à ses acolytes. "Vous savez comme moi qu'on ne va pas s'en tenir là. On va encore finir à défendre nos fesses contre des anti-mutants aux dents aiguisées qui vont nous en faire baver", dit-il en se jetant sur sa bière. Allait-il passé pour un lâche ? Un flemmard ? Peut-être. Mais il voulait faire prendre conscience à tous que c'était la bataille de David contre Goliath. Et vu les circonstances, il avait peur que pour une fois, la taille fasse le poids. "Jason à raison. Ca pue. Franchement, ça pue".

Après l'arrivée de la jeune fille, les choses changèrent rapidement: finalement on la connaissait. Il se ragrippa aux mains de son autrichien, l'air méfiant. C'était qui celle là ? Une danseuse ? Il regarda la jeune fille de haut en bas afin de se faire une idée du morceau. Jamais vu. Il croisa le regard de Jason et lui adressa un regard empli d'incompréhension.

Alors qu'elle avouait à mi-mots qu'elle les écoutait depuis quelques minutes, Grégoire arqua un sourcil. C'est vrai, ils n'étaient pas discrets. Avant même qu'il puisse faire une quelconque remarque, elle avait disparu à quelques tables de là. Avisant ses partenaires les uns après les autres, il se garderait bien de faire un commentaire sur cette jeune femme qu'il ne connaissait pas. Après tout, un cerveau de plus, ça ne peut pas faire de mal. Ce qui l'inquiétait davantage c'était leur manque de discrétion:

"Si elle a pu nous entendre, n'importe qui peut le faire" dit-il presque à voix basse. "Faut faire gaffe à ce qu'on dit... C'est qui ?" demanda t-il à Michael l'air interrogateur, toujours accroché à lui par la main gauche.

A présent presque affalé sur la table, Jeremiah avait l’air complètement ailleurs. Ce qui était faux, il suivait, preuve en est qu’il tapota le bois pour attirer l’attention alors que les autres s’emballaient à propos de leurs diverses possibilités de sources d’informations :

"Vous excitez pas, on veut pas cacher quoique ce soit à qui que ce soit, j’ai déjà contacté Markus. Il se manifestera quand il pourra, ça devrait pas être long…"

La conversation reprit et le geek se tourna vers Michael qui s’interrogeait :

"J’en sais rien, c’est une idée comme ça. Je sais pas s’il est vraiment dans sa famille, je l’ai juste pas vu depuis un moment."

Puis pour tous :

"Sinon comme dit Jason, y a d’autres cyberpathes. McLaurin bossait à l’université où j’étais avant, à Boston. Ma pote Joanna aussi, mais elle sert à rien, elle refuse toujours de s’approcher d’un ordi, c’est un cas désespéré."

Pouvoir rentrer physiquement dans les réseaux et profiter des mondes virtuels mais s’y refuser, il était clair que ça le dépassait !

La serveuse faisait partie de la fondation, c’était donc pour ça que sa tête lui disait quelque chose ! Remarque, il aurait pu s’en douter, il y avait peu d’endroits où il sortait suffisamment régulièrement pour enregistrer un peu les visages.

Un hochement de tête couplé d’une mimique « et la lumière fut » à l’adresse de l’autrichien puis il revint à la jeune femme aux joues soudainement très rouge, mais elle s’enfuit avant qu’il ait pu lui faire signe de s’installer.

"On devrait ptet aller ailleurs. Approuva-t-il, une fois n’est pas coutume, Grégoire. Mais elle travaille elle, ça dépend quand elle termine."

Il envoya un coup de coude moqueur au français :

"C’est Marlène. Danseuse et gany. Suis un peu !"

Puis à Michael :

"T'es sûr que c'est Marlène ? J'me rappelle plus ce que tu m'as dit la dernière fois mais ça sonnait pas tout à fait pareil."

"Alors les gars, on cherche des infos ?"

Une voix suave et féminine s'était faite entendre, comme sortie de nulle part, quoi que l'arrivée d'une nouvelle protagoniste à cette conversation ne laissât aucun doute sur sa provenance.


La femme était plutôt jeune, mais semblait par ailleurs emprunte d'une certaine assurance. La réponse à leurs appels ? Ou alors Markus avait bien changé, et cette nouvelle apparence en donnait une explication qui, pour séduisante qu'elle fut, manquait néanmoins de crédibilité.

"Ça tomberait bien, parce que moi aussi... Et comme je crois savoir que nous avons des intérêts communs, il ne serait sans doute pas inutile qu'on croise nos données."

En parlant de croiser, elle croisa ses bras, d'un air satisfait, puis déclara.

"Commençons par une info que vous n'avez pas : je m'appelle Serena. Ne prenez pas la peine de vous présenter, M. Wiseman m'a montré ses fiches, je vous connais déjà, et je n'ai rien perdu de cette conversation...", conclut-elle en plissant les yeux d'un air malicieux.

-Justement! s'était exclamé Michael. Quant à ce qu'ils nous bottent les fesses, bottons d'abord les leurs!

Il ne comprenait pas ce qu'il prenait à ses amis de reculer ainsi alors qu'il semblait que la seule solution valable était d'aller de l'avant. Heureusement que l'arrivée de Maureen... euh Marlène. Et puis voilà que le geek mettait en doute sa mémoire légendaire! Si il avait eu tort, la mutante le lui aurait certainement déjà fait savoir! Eh bien non! Elle avait acquiescé, après tout! Par contre, ils parlaient fort. En même temps, les trois européens avaient des accents qui attiraient l'attention, ce n'était peut-être que cela aussi... Mais l'Autrichien fronça des sourcils, incertain à savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose.

-Bien sûr! répondit-il immédiatement, lorsque l'Écossaise leur demanda si elle pouvait se joindre à eux, avant de remarquer, comme Miah le souligna, qu'elle travaillait en ce moment et ne pourrait certainement pas prendre place parmi eux. Surtout si ils bougeaient, comme le suggérait son coloc en réponse à la suggestion de son amoureux qui voulait simplement qu'ils murmurent.

Une jolie asiatique arriva alors et se présenta succinctement. Serena, elle aussi les oreilles ouvertes comme des antennes de télécommunications -ou était-ce un gène féminin?- et elle avait apparemment vu quoi? Leurs fiches? Il ne savait pas, même s'il aurait dû s'en douter, qu'ils étaient fichés. D'ailleurs, il n'avait jamais vu la fiche de qui que ce soit. Il préférait faire connaissance de la bonne vieille façon traditionnelle, de toute manière.

-C'était à ça que tu pensais quand tu disais qu'il se manifesterait? En plus, elle parle comme toi. demanda-t-il à Miah en comprenant la situation, après s'être longuement pincé les lèvres pour réfléchir à la meilleure attitude à adopter. Dans le rôle du bulldozer : Michael.

-Qu'est-ce qui nous dit que c'est pas une tactique? déclara-t-il d'un ton accusateur, avant de changer de ton complètement. Et puis, c'est quoi cette histoire de fiches?

Et il avait beau fouiller dans sa mémoire, celle-ci ne lui disait rien. Aux autres, peut-être?

La serveuse n’avait pas l’air d’être une inconnue, du moins pour leur autrichien préféré. Cependant, Jason ne saurait dire si il avait l’impression de connaitre la dite marlène par effet de groupe ou parce qu’il l’avait vraiment croisé. Peu importe, le malaise ne dura pas trop longtemps, du moins pas celui-ci. Grégoire eut tôt fait de rappeler que n’importe qui pouvait les entendre, ce qui n’était pas spécialement rassurant. De toutes manières, s’ils commençaient tous à paranoïer sur un futur pas spécialement joyeux, ils pouvaient aussi bien s’arrêter tout de suite.

« Bien sur, que tu peux te joindre à nous, surtout si tu connais Micha… »

Les sourcils froncés, l’irlandais semblait essayer de trouver une réponse dans sa choppe de bierre, lorsqu’une voix mélodieuse lui fit relever vivement la tête.
Jason s’était une fois de plus laisser surprendre par une nouvelle protagoniste. Lui qui pensait être en mode « alerte », c’était pas vraiment le cas, visiblement. Toujours est-il que la jeune inconnue semblait vouloir œuvrer de concert avec eux, et proposait de « croiser les données ».

Il allait se présenter, mais elle lui coupa l’herbe sous le pied, en expliquant avec la plus grande simplicité que non seulement elle les connaissait tous, mais qu’en plus elle n’avait pas loupé une miette de la conversation. Avec un regard coupable envers Grégoire, qui les avait bien prévenu, Jason haussa les épaules, fataliste.

« Et bien, nos prières ont bien été entendues, finalement… » il regarda Jeremiah. « oui, je sais, miah, c’est ton mail, entre autre, ça a rien de mystique » . Il connaissait suffisamment bien le geek pour tenter vaille que vaille de ne pas lui laisser l’occasion de le bâcher gentiment. Il le regarda avec un sourire grandissant, car une fille comme elle allait surement l’émoustiller, elle avait l’air, à sa façon, aussi geek que lui.

« Je crois que le plus important est que nous n’avons justement pas tant de données que ça, et que nous voulons en savoir plus… J’veux dire, si j’ai déjà une cible sur mes miches, j’aimerai autant le savoir, et faire en sorte de la faire disparaitre »

Il se retourna vers micha. « bof, tu sais, micha, ça m’étonne pas trop, qu’on ai des fiches sur nous. Après tout, markus est le roi de l’information. A quoi ça sert l’information si elle n’est pas archivée ?. si tu savais le nombre de fois ou on est fiché, tu serais surpris… Ne serait-ce que par l’armée, par exemple, quand on a du se barrer de l’ancien institut… j’ai pas dit que j’aimais ça, mais on n’y peut rien… ». Il indiqua plaisament une chaise à Serena, avant de lui demander
"Je paie déjà ma tournée.. Tu.. euh.. Vous voulez quelque chose ?"

Rosir sous le regard de l'un, pâlir pour le silence d'un autre. Dégainer la palette d'émotions à tartiner son visage. Pour le mystère, on repasserait.

De son bout de comptoir, entre deux regards jetés à la dérobée (discrétion zéro), Maureen avait, dans l'intervalle, réussi à passer un deal avec Lola pour se libérer avec un peu d'avance. Cette dernière affichait la mine renfrognée de celle qui a perdu au change. Pourtant, échanger dix minutes de fin de service contre deux heures de ménage à l'aube avant l'ouverture... Qu'importe ! Maureen, elle, était enfin libre de basculer du côté clientèle. Les yeux comme aimantés sur les quatre hommes, elle se défit à toute vitesse de son tablier rouge. Elle guettait. Un signe, un geste, une invitation. Qui apparut soudain sous une forme totalement inattendue. Une métisse assurée s'invita inopinément à leur table et le sens de l'observation de Maureen, affuté par des années de pratique, lui confirma son intuition : pas moins qu'elle-même, la nouvelle venue leur était étrangère. Si elle s'insinuait dans leur cercle, peut-être pouvait-elle en faire autant, en laissant ses principes et ses doutes au vestiaire.

La jeune Ecossaise s'approcha donc à nouveau, juste à temps pour entendre Serena se présenter, lancer quelques informations d'un ton léger et déclencher un flot d'inquiétudes et de questions. Finalement, il semblait que l'indiscrétion se conjuguait au féminin, ces derniers temps.

Faisant du cheveu sur la soupe la spécialité de ses interventions, elle rejoignit donc la discussion en y allant de sa petite suggestion :

- Vous ne pensez pas qu'on devrait discuter dans un endroit plus... calme ?

Étrange comme les oreilles indiscrètes la dérangeaient beaucoup plus de ce côté de la conversation.

- J'habite à deux rues d'ici et ...

Une invitation dans son petit deux-pièces était la seule garantie qu'elle pouvait leur donner de sa bonne foi... et de son envie désespérée de rejoindre le petit groupe. Pendant l'espace d'une seconde, elle se revit adolescente à tenter de grappiller quelques miettes d'attention auprès ces filles populaires à qui rien ni personne ne semblait résister.
L'Ecossaise balaya l'impression d'un haussement d'épaules, arma son visage avec son plus beau sourire et passa très certainement pour une folle furieuse auprès de Michael, ladite Serena et les autres...

- On serait plus à l'aise pour faire le point sur... tout.

Les fiches, les dernières nouvelles, la situation... A commencer peut-être par une présentation en bonne et due forme.
Maintenant qu'elle y pensait... Elle se tourna vers Serena, passa en mode sociable et lui lança à mi-voix un : « Bonjour » timide. A croire qu'elle était la spécialiste des conversations décousues.

Spoiler:

Marlène ? Jamais entendu parler. Il regardait la jeune femme du coin de l’œil, mi-méfiant mi-attristé par la situation de la jeune qui ressemblait à un petit oiseau tombé du nid. Il n’eut pas le temps de pousser sa réflexion plus loin car une jeune femme fit son apparition. Le français fit un bond sur sa chaise et s’agrippa à la manche de Jeremiah, assis à côté de lui, qu’il lâcha bien vite, ne voulant pas passé pour le peureux de service.

S’il y avait bien quelque chose qui énervait le français, c’était les gens omnipotents qui arrivaient comme des fleurs sans qu’on ne sache rien d’eux. Et cette Serena semblait faire partie de cette catégorie de personnes. Elle partait mal. Le front du français s’était déjà plissé.

Complètement d’accord avec son compagnon, Grégoire hocha la tête aux spéculations du germain. Tactique, ruse ou autre manigance d’une entreprise anti-mutante cherchant à détruire la galaxie : quoi qu’il en soit, il ne passerait pas par Grégoire. Il lui faudrait des preuves !

L’air plus léger de Jason déstabilisa quelque peu le français : et s’il avait raison ? Il regarda à nouveau la jeune femme. Rien ne laissait présager de mauvaise intentions mais comment en être sur ? Le meilleur moyen était sans doute de lui laisser sa chance et de voir ce qui l’amenait. Chez Maureen ou ailleurs.

« Vous savez que ce n’est pas poli d’écouter les conversations sans y être invité ? dit le français d’un ton renfrogné. Qu’est-ce qui vous amène ? Je veux dire… Où est Markus ? D’habitude lorsqu’il a quelque chose à nous dire ou à nous demander, il le fait directement. Qu’est-ce que vous attendez de nous ? »

"Martini chéri !", répondit-elle à Jason en s'installant à la place sus-mentionnée, prenant quelques aises, et croisant ses jambes.

"Une tactique ? Mais de qui ? Et pour faire quoi ?", demanda-t-elle, faussement ingénue, à Michaël qui la gratifiait d'un accueil frigide, imité par Grégoire.

Elle s'apprêtait à répondre quand Maiffa les rejoignit, et apporta un bout de réponse à son tour. Serena désigna Maiffa du pouce, et renchérit.

"Comme dit votre copine, Markus Wiseman est passablement occupé ces derniers temps. Voyez-vous, Ganymède a quelques moyens pour l'espionnage, et comme vous vous en doutez, M. Wiseman est l'un des meilleurs en ce domaine..."

Elle changea de position, mettant les coudes sur la table, en une déconcertante désinvolture.

"Sauf qu'il ne trouve rien, et ça l'agace. Il y passe ses jours et ses nuits, fouille tout ce qu'il peut, observe chaque personne qui semble savoir quelque chose... Et rien. Si vous voulez mon avis, il en fait une affaire personnelle."

Elle croisa à nouveau ses bras sur sa poitrine, et prit un air de conspiratrice.

"Voilà où nous en sommes. Markus Wiseman ne trouve rien, et nos autres ressources non plus. Toutes les pistes conduisent à un mur. Deux conclusions s'imposent : soit c'est un grand bluff, soit c'est très bien caché. Le fait que nos espions ne trouvent pas de preuve de bluff incite à éliminer cette possibilité."

Ce n'était pas spécialement rassurant, mais Serena n'en avait visiblement pas terminé, et son expression montrait qu'elle arrivait précisément au coeur de ce qui l'intéressait.

"Il y aurait donc effectivement quelque chose. Quelque chose de gros. On peut s'interroger sur ce que c'est, et figurez-vous qu'il y a effectivement une possibilité."

Elle posa son regard sur Michaël

"Une rumeur."

Elle regarda Grégoire.

"Un bruit de couloir."

Elle regarda Jeremiah.

"Qui ne circule que dans les milieux initiés.

Son regard glissa sur Maureen.

"Et qui mène à autant de murs que les précédentes recherches.

Puis sur Maiffa.

"Quelque chose de trop gros pour être une simple coïncidence."

Elle conclut sur Jason.

"Et je pense que vous ici. Vous tous. Anciens résidents de l'Institut Xavier de Salem Center, vous savez exactement de quoi je veux parler."

-Si on ne peut même plus être prudent... bougonna Michael à mi-voix, en se disant que ses années d'expériences mutantes lui donnaient bien le droit d'être paranoïaque. Mais Jason avait probablement raison de se montrer plus ouvert à la discussion et tout. En même temps, ç'avait toujours été lui le communicateur du groupe. Entre Miah l’associable, Michael et son accent, et enfin Grégoire qui n'est pas toujours loquace... Jason était le meilleur attaché de presse qu'ils pouvaient désirer.

Maureen proposa de se rendre chez elle. Option à laquelle Grégoire et Michael acquiescèrent simultanément, avant d'être de nouveau dérangés par une femme. C'était bien leur charme, mais là elles exagéraient! Au moins, Maiffa et Serena abondaient dans le même sens : Markus était surchargé. Soit c'était une excellente mise en scène, soit c'était vrai. Quelque chose dans la situation semblait faire pencher l'Autrichien pour la théorie honnête. La femme-chatte leur demanda de discuter ailleurs, ayant des nouvelles à leur apprendre sur Georgia. Ça ne laissait rien présager de bon, mais Michael se leva.

-Nous sortions pour aller chez Marlène. informa-t-il les dernières arrivées.

Il écouta les informations de Serena en enfilant sa veste, et remonta sa fermeture éclair avec un sourire victorieux à l'égard de Jeremiah et Grégoire : il avait raison, Markus était autant dans l'inconnu qu'eux. Bon, en soit ca n'avait rien de réjouissant, c'est vrai. Le germanophone arrêta son mouvement (il était en train d'ajuster ses manches) lorsque Serena posa son regard sur lui, et le suivit ensuite, de Grégoire à Jeremiah à Marlène à Maiffa à Jason. Il crut comprendre. Un mur. Un mur virtuel? La conclusion à laquelle il était parvenu traversa ses lèvres, presque inaudible, sur un ton rempli de craintes.

-Cerebra?