[Courtier Timothy Cook] Leeds - Dans la librairie paternelle

A l'horizon, le soleil déclinait lentement. Il était 18h et Timothy venait juste de sortir du complexe sportif où il exerçait le water-polo avec l'équipe locale. C'était une petite équipe d'amateur qui se défendait plutôt honorablement. Physique et engagé, le water polo offrait à Timothy un moyen d'évacuer l'énergie accumulée durant la journée. Ainsi, le jeune Cook sortait souvent de l'entraînement fatigué, au grand bonheur de son père.

Une fois à l'air libre, Timothy salua son meilleur ami qui était le gardien de l'équipe et un autre garçon, avant de rejoindre son vélo un peu plus loin. Les trois garçons avaient pour habitude de manger une pizza après chaque entraînement mais, on était jeudi. Et comme tous les jeudis, Timothy devait aider son père à fermer la librairie. Il laissa donc ses deux amis partir à pied, tendit qu'il enfourchait son vélo pour rejoindre le centre de Leeds, qui se situait à deux petits kilomètres du complexe sportif.

La circulation était dense mais rien ne gêna Timothy qui avait pris la fâcheuse habitude de rouler autant sur le trottoir qu'entre les voitures électriques, de tel façon à ne jamais devoir s'arrêter. Les piétons avaient beau lui crier dessus quand il passait trop près d'eux, Timothy n'y attachait pas grande importance. Il ne les avait pas touchés, aussi jugeait-il qu'ils n'avaient aucun besoin de lui sommer de faire plus attention.

Il arriva enfin devant la libraire de son père et sauta de son vélo, qu'il posa contre la devanture. Il poussa ensuite la porte de la boutique et jeta nonchalamment son sac par terre.

« Papa ?! »

Comme à chaque fois qu'il se rendait dans la boutique de son père, il constatait avec dépit que les clients ne se bousculaient pas à l'intérieur. Les gens n'avaient-ils pas le goût de s'évader dans les livres ? Son père lui avait assuré que la désertion de sa boutique ne lui posait aucun problème mais, Timothy avait bien conscience que voir parfois leur frigo vide, lui renvoyait la précarité de leur situation financière. En y repensant, Timothy lâcha un soupir lasse puis il se mit à fouiller dans son sac à la recherche des brochures universitaires qu'il avait l'intention de montrer à son père.

Aussi si la boutique de son père était mieux tenue peut-être qu'il y aurait plus de clients... A vrai dire, dans ce vaste bordel de livres en tout genre classés un peu n'importe comment, il était difficile pour le chaland de trouver l'ouvrage tant recherché !

Bref, comme à son habitude, son paternel était derrière son bureau en train de faire la comptabilité des ventes de la journée. Pourtant, en lieu et place de la mine habituellement dépitée, le visage de M. Cook exprimait une profonde satisfaction.

Il fit signe à son fils d'approcher.

"Fiston, j'ai une excellente nouvelle pour nous"

M. Cook toussa bruyamment puis poursuivit :

"Un excentrique est venu tout à l'heure au magasin... Un type assez épatant ! Habillé avec un vieux costume poussiéreux, j'ai tout de suite senti qu'il était du genre de mes clients les plus acharnés..."

Nouvelle quinte de toux. Nouveau sourire enjoué.

"Bref, je pensais qu'il allait nous acheter telle ou telle vieillerie à trois sous mais non..."

La voix était de plus en plus excitée. Il y avait une révélation à la clé dans son discours. Une grande révélation pour eux deux.

"Il s'agit de Herbert Pickwick ! Le grand auteur d'horreur ! Et il vit pas loin de la boutique... Et il m'a remis cela..."

Il tendit à Timothy une petite affichette.

GRANDE VENTE DE LIVRES ÉSOTÉRIQUES

L'auteur de renom, Herbert Pickwick, ayant décidé de tirer un trait sur sa carrière de romancier d'horreur pour des raisons qui lui sont propres, organise ce dimanche une grande vente aux enchères de ses archives.

Au programme : livres interdits, livres de magie noire, livres de magie blanche, livres sur les invocations, les farfadets, les créatures des abimes sombres, la vraie explication du phénomène mutant... Venez nombreux ! Les plus belles pièces vont s'arracher !

Le regard de M. Cook pétillait alors qu'il contemplait son fils en train de découvrir le contenu du tract. Pourtant le nom de Pickwick était parfaitement inconnu de Timothy. Pourtant, il y avait un bémol à tout ça...

"Tu comprends bien que si je pouvais avoir à vil prix dans mon stock quelques uns des ouvrages de Pickwick, je pourrai attirer une nouvelle clientèle et vendre bien plus qu'actuellement..."

... ce qui était une assertion sans aucun fondement. Mais l'homme était un passionné et un passionné ne répondait que rarement à des arguments de pur bon sens.

"Le problème étant que ce jour-là, je suis au Festival du Polar. Bref, je sais pas trop quoi faire, j'aimerai que la boutique puisse assister à la vente mais j'ai déjà pris cet engagement..."

Timothy n'eut pas à chercher plus longtemps puisqu'il le vit assis derrière son bureau, lui faisant signe d'approcher, en annonçant qu'il avait une bonne nouvelle. Intrigué, le jeune Cook rangea alors les brochures qu'il tenait dans les mains, dans la poche arrière de son jean et fit les quelques pas qui le séparait du bureau de son père. Une fois ceci fait, Timothy remarqua aussitôt les traits qu'il arborait. Il n'avait pas la mine attristée de d'habitude mais plutôt un enthousiasme palpable.

* Bizarre. Il est pas comme ça d'habitude. *

Alors que Timothy commençait à chercher ce que pouvait bien être cette bonne nouvelle, son père toussa bruyamment, lui rappelant sa présence. C’était un bon moyen pour attisé davantage la curiosité de Timothy.

L’adolescent tendit alors l’oreille et l’écouta.

* Un excentrique ?! *

Timothy haussa un sourcil, intéressé par le terme que son père avait employé. De plus, il avait facilement remarqué que son père paraissait réellement enjoué de cette rencontre. Ainsi, Timothy attendait avec impatience le fin mot de l’histoire. Seulement une toux vint de nouveau s’emparer de la gorge de son père.

« Franchement papa, tu devrais consulter un médecin hein ! Tu vas finir par t'étouffer toi-même avec cette maudite toux. » fit remarqué Timothy à son paternel, avant que celui-ci ne reprenne le fil de son histoire encore plus excité.

Voir son père aussi impatient fit sourire Timothy. Il connaissait que trop bien son père pour savoir qu'il s'excitait souvent pour un rien (l'apparition du pouvoir de Timothy en avait été la preuve) mais cette fois-ci, les choses semblaient réellement l'enthousiasmé. Ça avait l'air vraiment important pour lui, pour eux.

« Bon papa, abrège quoi ! C'était qui l'excentrique ? » souffla Timothy, décidé à comprendre pourquoi son père était ainsi.

L'adolescent eut aussitôt sa réponse. Et à mesure qu'il écoutait ses mots, l‘anglais montrait des signes de surprise et d'étonnement. « Pickwick ? Je connais pas. Il a écrit quoi ? » interrogea Timothy en attrapant l'affichette que lui tendait son père. Ce nom ne lui disait absolument rien. Pourtant, son père semblait dire de lui que c’était un grand auteur d’horreur. Mais il avait beau cherché dans sa mémoire, il n’y trouva rien. Il ne se rappelait d’aucun auteur du nom de Pickwick.

Il secoua la tête, chassant ses réflexions et sans plus attendre, Timothy lut le contenu du tract. Les livres qu'il voulait vendre aux enchères semblaient tout aussi bizarre les uns que les autres. Et plus particulièrement un, qui attira l'attention de Timothy. La vraie explication du phénomène mutant. Il entendait quoi par vraie explication ? Il y avait une explication à ça ? Un soupire s'échappa néanmoins des lèvres de Timothy qui venait de repenser à sa propre condition. Condition qu'il voulait à tout prix mettre de côté. Et jusqu'à maintenant, il semblait que c'était plutôt réussi.

Il reposa ensuite l’affichette sur le bureau de son père et releva les yeux sur celui-ci. C’est vrai, son père avait raison. Néanmoins, une chose lui trottait dans la tête. « Tu crois vraiment que ce genre de livre feront venir plus de clientèle ? Non parce que c’est un peu bizarre comme genre. » Timothy haussa les épaules. Il ne remettait en aucun cas la parole de son père en doute, étant lui-même un passionné. « Enfin je suppose que ça nous permettra de nous diversifier. »

Puis, il comprit qu'il y avait un petit problème d'emploi du temps. Ou presque.

« Non mais papa, dit clairement que tu veux que j'y aille à ta place. » lâcha Timothy, enjoué. Son père n'avait pas dit clairement les choses, mais il lui semblait que c'était là, qu'il voulait en venir. « Je suis d'accord ! De toute façon, on peut pas se permettre de louper l'événement. » Il se mit alors subitement à rire alors qu'il pensait au dernier repas que son père lui avait préparé. « J'en ai marre de manger des pâtes donc c'est l'occasion de faire venir d'autre client mais en plus, de faire de notre frigo la caverne d’Ali Baba ! Une pierre, deux coups. On doit y aller donc ! » Il reprit un semblant de sérieux, mais avec une exaltation non dissimulé. « Et puis de toute façon dimanche, j'ai rien de prévu. Autant me rendre utile à la librairie. Elle se déroule où cette enchère ? Chez lui ? C'est pas marqué je crois. » Son père n'avait toujours pas donné sa réponse mais le jeune Cook semblait déjà décidé à se rendre à cette enchère.

Le paternel Cook soupira face à l'ignorance crasse de son fils...

"Pickwick c'est l'auteur immortel de "L'esthétique du charnier", de "Brûlez bien mes chéris", des "Dieux blasphématoires à travers les âges" et de la "Geste des 4 sadiques"..."

Il se leva et sourit néanmoins à son fils. Après tout, les ouvrages de Pickwick n'avaient pas du se vendre à plus de 50 exemplaires, dont au moins un avait atterri entre les pattes du vieux.

Pour Timothy, ces titres n'évoquaient aucun souvenir.

Le paternel poursuivit :

"Bon, c'est entendu, dimanche tu iras à cette vente qui se tient..."

Il retourna l'affichette, découvrant l'adresse de la vente.


Le reste de la semaine se déroula sans événement notable. Quand Timothy entreprit de faire des recherches sur Pickwick, il fit chou blanc. Par ailleurs, aux dires de son paternel et à la réflexion, il était bien trop jeune pour lui emprunter l'un quelconque des ouvrages de Pickwick.

Une fois dimanche arrivé, M. Cook déposa son fils devant l'adresse indiquée. Il s'agissait d'un petit pavillon de banlieue et l'heure de la vente n'était pas encore arrivée.

"Faut toujours être là avant les autres, c'est la règle fiston. Par ailleurs, tiens..."

Il tendit une liasse de billets d'un montant total de 50 livres sterling.

"Interdiction de dépenser plus et interdiction de lire les trucs que tu pourras acheter. On se voit, demain, quand je serai rentré de la Foire..."

Timothy, une fois seul, n'eut guère autre chose à faire qu'à se rendre jusqu'à la porte d'entrée. Comme il l'avait deviné, Pickwick recevait à domicile. Timothy toqua et un homme vint lui ouvrir.


"Bonjour, je suis M. Pickwick. J'imagine que vous êtes venus pour la vente, jeune homme ? Voulez-vous une tasse de thé et attendre les autres acheteurs ou bien commencer à examiner ma collection ?"

Le ton était aimable et même si l'homme paraissait strict, ce dernier semblait abordable.

Son père avait beau lui dire ce que Pickwick avait écrit, il n'en demeurait pas moins un inconnu aux yeux de Timothy. Les noms glauques de ces ouvrages ne lui disaient rien non plus.

Il secoua la tête devant son père, lui montrant qu'une fois de plus l'auteur illustre, ne l'était pas tant que cela aux yeux du jeune Cook. C'était d'ailleurs un peu perturbant puisqu'après tout, ne pas connaître un auteur connu, c'était comme ne pas connaître la littérature elle-même. Timothy ne le montra pas, mais ne pas savoir le gênait quelque peu.

« Yeah, super ! Merci pa' ! » La gêne fut de courte durée. Par chance, son père venait d'accepter de l'envoyer à sa place à la vente. Une bonne nouvelle puisque Timothy aurait au moins l'occasion de rencontrer ce Pickwick et d'assouvir sa curiosité sur cet auteur qui lui était inconnu. Il ne lui manquait plus que l'adresse. Chose qu'il découvrit en même temps que son père lorsque celui-ci retourna l'affichette.


Excité à l'idée d'assister à une vente aux enchères, Timothy avait profité du reste de la semaine pour essayer de s'informer sur ce fameux Pickwick. S'il était si connu que ça, les informations sur lui ne manquerait pas. Or, c'est bien tout le contraire à quoi Timothy fut confronté. Il ne trouva rien. Aucune information, même minimes. Timothy en fut dérouté. Sans vraiment chercher à savoir pourquoi, il avait mis cette absence d'information, sur le compte de la retraite anticipée de Mr Pickwick, qui avait certainement voulu effacer toute information sur lui. Enfin, c'est-ce que Timothy avait supposé. Néanmoins, le jeune anglais ne s'était pas dégonflé. Il avait soumis l'idée de lire un livre de Pickwick à son père mais là encore, il fit chou blanc. D'après son père, il était bien trop jeune pour lire à un livre de l'auteur. Cette condition avait vexé Timothy, tellement vexé d'ailleurs qu'il n'avait plus parlé de Pickwick jusqu'au dimanche de la vente. L'enthousiasme était retombé comme un soufflé. Pickwick était un mystère pour Timothy et il ne le supportait pas.

Le dimanche arriva bien vite, sans que Timothy ne sache rien de plus que les livres qu'il vendait, sur Pickwick. Trop de mystère, ne tuait-il pas le mystère ? Son père le déposa devant un petit pavillon plutôt coquet. L'endroit changeait clairement de l'appartement modeste dans lequel habitait les Cook. Mais Timothy n'en fut pas très étonné.

Il attrapa la liasse de billet qu'il rangea soigneusement dans la poche intérieure de son manteau. 50 livres sterlings. « Tu crois que j'aurais assez ? » Il écouta les recommandations de son père. « 'kay ! A demain. Et fait pas trop de folie. » s'amusa Timothy, en sortant de la voiture. Puis, il fit un signe de main à son père et regarda la voiture s'éloigner. Une fois seul, il se tourna vers le pavillon.

* Bon ben, c'est parti. *

Il se rendit donc jusqu'à la porte d'entrée. Timothy portait un jean, un tee-shirt avec un aigle dessus et sa veste habituel. Rien de bien extravagant, en soi. Il tapa ensuite à la porte, attendit et celle-ci s'ouvrit sur un homme. Timothy le détailla rapidement, un sourire aux lèvres. Bien qu'il lui paraissait trop strict à son goût, le ton que Mr Pickwick employa le mis en confiance. Il ne semblait pas être celui de quelqu'un de trop sévère.

« Enchanté Mr. Pickwick. » Timothy tendit sa main vers l'auteur, tout sourire. « Oui, c'est ça. Je m'appelle Timothy Cook. Je suis venu à la place de mon père, qui devait se rendre au festival du polar. Vous savez la petite librairie où vous êtes venu ?! » se permit-il d'ajouter, ne sachant pas si Mr Pickwick se souvenait de son père.

Attendre ne lui disait rien. « J'aimerais volontiers voir votre collection, oui. » Il fallait bien voir et en détail, ce que Mr Pickwick vendait. Même si Timothy n'était pas un acheteur aguerri, il lui semblait primordial de voir les lots qu'il aurait la possibilité d'acheter pour le compte de son père.

Pickwick accepta volontiers la main du jeune Timothy et la serra mollement. Puis, il lança d'un ton affable mais pincé :

"Très bien. Veuillez me suivre"

A la suite de Pickwick, Timothy put découvrir dans quel environnement l'auteur semblait vivre : des papiers un peu partout, des meubles achetés en grande surface et jamais nettoyé, de la poussière, des toiles d'araignée, un chaos généralisé...

... finalement Pickwick ouvrit une lourde porte à double battant et Timothy put pénétrer dans la seule pièce convenablement entretenue de l'habitation : la bibliothèque.


Les rayonnages se retrouvaient sur tous les côtés de la pièce. Il semblait y avoir des milliers d'ouvrages : certains paraissaient très anciens, d'autres achetés la veille. Et parcourant rapidement du regard la salle, Timothy se rendit compte qu'il y avait absolument tous les genres : philosophie, sciences pures, grande littérature, humanités greco-romaines, ésotérisme, policiers, science-fiction, horreur, poésie...

Pickwick se posta au milieu de la salle et commenta :

"Voilà mon antre. Néanmoins, ils ne sont pas tous à vendre. J'aimerai seulement me séparer de ceux-ci..."

Il désignait une étagère contenant une bonne centaine d'ouvrages. Il y avait essentiellement de l'ésotérisme, de la littérature d'horreur, quelques ouvrages ayant traits aux mutants et... les œuvres de Pickwick lui-même !

L'auteur sourit à Timothy.

"J'espère que vous trouverez votre bonheur. Ce sont les plus belles pièces de ma collection que je cède. Bien entendu l'équité commande que nous attendions l'heure d'ouverture de la vente avant de procéder aux enchères mais rien ne vous empêche de jeter un petit œil avant... Après tout, j'ai été très bien reçu chez votre père, il serait donc grossier de ma part de ne pas en faire autant avec vous"

Puis, semblant se détendre, Pickwick demanda :

"Il y avait un festival du polar ? C'est dommage que je l'ai ignoré... Ma femme adore les romans policiers"

Timothy suivit Mr Pickwick à l'intérieur. Derrière l'auteur, il en profita pour regarder autour de lui.

* Nom de ... *

Il réprima un rire, en voyant le désordre dans lequel vivait Pickwick. A bien regarder, même la libraire de son père était mieux rangée que ça. Du moins, il se prit à la croire jusqu'à ce qu'il entre dans une autre pièce. Les yeux de Timothy s'écarquillèrent aussitôt, devant le spectacle. Cette bibliothèque n'avait rien à voir avec la libraire de son père. Si, le désordre régnait ailleurs dans la maison de Pickwick, la bibliothèque était, elle, parfaitement rangée. Pour un écrivain, c'était logique. Timothy regarda autour de lui. Il y avait surement plus de livres qu'il n'en verrait jamais dans une même pièce. Il fallait le dire la collection était ..

« Impressionnant ! »

Le visage illuminé, Timothy constata que la bibliothèque de Pickwick abritait tous les genres. Ce n'était sans doute pas qu'un simple écrivain, mais un réel passionné. Timothy allait s'approcher des livres de sciences-fiction, quand la voix de Pickwick le rappela à l'ordre.

Il détourna aussitôt les yeux de la bibliothèque pour les poser sur l'écrivain, qui lui montrait l'étagère où se trouvait les livres qu'il vendait. Le jeune Cook n'attendit pas une seconde de plus, et fit les quelques pas qui le séparaient de la dite étagère. Il constata à vue d'oeil qu'il y avait une centaine d'ouvrage et plusieurs genres différents. C'est d'abord les oeuvres de Pickwick lui-même qui attirèrent son attention. Il lui semblait plus important de constater quels ouvrages de lui-même, il vendait. Si il pouvait sortir de l'enchère avec quelqu'un des livres de Pickwick, son père en serait certainement heureux. Il lut donc avec attention les titres des différents ouvrages afin de se faire une idée puis se tourna vers Mr Pickwick, étonné. Une question lui brûlait les lèvres.

« J'voudrais pas être indiscret monsieur, mais si se sont vos plus belles pièces, pourquoi vous les vendez ? » C'était peut-être une question déplacée, mais Timothy, comme à son habitude, n'avait pas pu s'empêcher de vouloir en savoir un peu plus. Il était étonnant pour lui qu'un passionné tel que Pickwick souhaitait se séparer de livres qu'il considérait lui-même comme de belles pièces.

Il se retourna de nouveau vers l'étagère et reprit son inspection. « Oui. Je crois que mon père voulait dénicher de nouveaux auteurs en vogue. C'est dommage, c'était pas très loin en plus. Mais bon vu le nombre de livre dont vous disposez votre femme a encore de quoi faire »

En jetant un œil sur les pièces de la vente, Timothy remarqua un certain nombre de titres parmi les ouvrages vendus :


Quant à la question posée à Pickwick, l'auteur répondit, l'air visiblement chagriné :

"Ma femme ne les aimes pas, ces livres. Elle n'aime que les polars et les romans à l'eau de rose. Pour le reste, elle refuse de lire ce que j'ai pu écrire et a insisté pour que je me débarrasse de toutes mes archives..."

C'était un sujet de discorde dans le couple formé par Pickwick et sa mystérieuse épouse.

L'auteur précisa par ailleurs :

"Et puis ce festival du polar aurait été une bonne occasion de se changer les idées... Je dois admettre que mon épouse est un peu tendue à la seule idée de cette vente. Je dois vous avouer que sa première idée aurait été de détruire ces ouvrages sans autre forme de procès..."

Il soupira. Avant d'ajouter :

"Pour être parfaitement exhaustif, je vends également les manuscrits et les divers documents que j'ai amassé ces dernières années sur l'ésotérisme, les mutants et les organisation occultes ou subversives. Mais je dois insister sur le fait que les autres acquéreurs qui m'ont contacté ont des ressources bien supérieures à ce qu'une petite librairie peut mettre sur la table..."

Pickwick avait l'air triste. Et dépité. Comme à lui-même, il lança :

"J'espère juste que tout cela finira dans des archives publiques ou en bibliothèque..."

En jetant un oeil aux ouvrages, Timothy constata avec intérêt que certains avaient été cité par son père lorsqu'il lui avait demandé ce que Pickwick avait écrit. Avec un peu de chance, il pourrait repartir avec au moins un livre connu de l'auteur. Mais très vite, le peu d'argent que son père lui avait donné, le rappela à l'ordre. Cinquante livres sterling, serait sans doute bien trop peu pour acquérir de tels ouvrages. Timothy jugea alors bon d'élaborer un plan B. Le plan A étant d'acquérir les livres renommés de Pickwick. Le plan B consisterait donc à acquérir des livres d'une certaine utilité comme les livres sur les mutants. Pickwick en avait plusieurs qui semblaient intéressant à vue d'oeil et surtout un en particulier : ' Comment guérir ses enfants mutants ' d'un certain Hank Happy. Il fallait juste espérer que les acheteurs ne ramassent tout les lots avec leurs fortunes. Timothy n'était pas assez naîf pour croire que les acheteurs potentiels ne mettraient pas une somme conséquente d'argent dans leurs achats.

Le jeune Cook soupira, lasse. Pourquoi n'étaient-ils pas riche ?

De nouveau étonné, Timothy planta son regard dans celui de Mr Pickwick. Le sujet semblait rendre triste l'écrivain. L'adolescent adressa une moue désolé à son interlocuteur. « C'est dommage que votre femme n'aime pas vos livres, sans les avoir lu. Mon père m'a dit que vous étiez un grand écrivain alors ouais, c'est dommage. » Il écouta avec attention Mr Pickwick, en s'éloignant de quelques pas de l'étagère. Il avait vu ce qu'il désirait. « Les détruire ? Elle est dingue .. » lâcha Timothy, spontanément, avant de se reprendre aussitôt. « Enfin... euh .. Elle n'a pas l'air très commode votre femme. » Il haussa des épaules et aux dires de Pickwick, soupira de plus belle. « Oui, je me doute bien que les enchères vont être difficiles. Mais vous savez, si je peux repartir avec au moins un de vos livres, je suis sûr que mon père sera heureux. Enfin j'espère. Il pense qu'avec vos livres, on pourrait attirer d'autres clients mais c'est pas gagné. Malheureusement. » Timothy haussa des épaules.

« Vous avez invité combien d'acheteur potentiel ? » Autant savoir quelle concurrence, il devrait affronter.

Puis, il regarda sa montre pour voir quelle heure il était.

Pickwick lança d'un ton désabusé :

"Oui, un grand écrivain... Qui n'a jamais réussi à faire vraiment carrière mais dont la pratique quotidienne de l'écriture lui donnait une existence simple mais satisfaisante"

Il se passa la main dans les cheveux et ajouta :

"Mais, je suis arrivé à un âge où la vie professionnelle ne suffit pas. Rencontrer celle qui allait devenir mon épouse a été la plus grande joie de ma vie. Et s'il faut choisir entre écrire et elle, mon choix est déjà fait"

L'écrivain eut un petit rire au commentaire que Timothy fit sur son épouse.

"Oui, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais elle est d'ailleurs..."

Herbert Pickwick regarda sa montre et poursuivit :

"Je suis très flatté de l'intérêt que vous portez pour mon oeuvre et j'espère bien que vous repartirez avec l'un de mes ouvrages. D'ailleurs, je ne suis pas certain que ce soient réellement les pièces qui se vendront le mieux... Pour votre dernière question, je n'ai contacté personne mais quatre acheteurs ont pris attache avec moi. Mais, ils m'ont tous paru un peu étranges..."

Il fit une petite révérence et s'excusa :

"Maintenant, je vais vous laisser tranquille, jeune homme. Il faut que je me prépare à accueillir les autres qui ne devraient plus trop tarder..."


Timothy put examiner ce qui lui plut pendant une bonne demi-heure. Puis, la porte de la bibliothèque s'ouvrit de nouveau. Pickwick était accompagné de 4 hommes.


Le premier fit quelque pas dans la pièce, jeta un regard aux alentours et serra la main de Timothy.

"John Six, enchanté de faire votre connaissance Monsieur..."

Il était tendu mais le ton était aimable. Surement un rat de bibliothèque angoissé à l'idée de toucher un ouvrage d'importance mais de ne pouvoir repartir avec...


Le deuxième avait le teint cireux, comme maladif... Il avait des mouvements saccadés et un sourire comme figé. Il lança, d'une voix froide qui contrastait avec les propos tenus :

"Salut, la compagnie ! Je m'appelle Clark ! Et je suis très heureux d'être parmi vous !"


Le troisième entra, lança un regard méprisant à Timothy et ne dit rien. Il attendait que la vente commence.


Enfin, le dernier, s'il fit un léger signe de la tête en guise de salut, était le plus étrange (ou sinistre) du lot : après tout, il portait un uniforme SS !

Pickwick attendit que tout le monde fut entré dans la bibliothèque puis lança :

"Très bien, Messieurs. Peut-être pourrions nous commencer par nous présenter, en bonne et due forme, puis vous pourriez dire aux autres acquéreurs quels sont les ouvrages qui vous intéressent et combien seriez-vous prêt à mettre dedans ?"

Timothy fut surpris par la réponse de Pickwick, mais surtout le ton que celui-ci avait employé. Il n'avait pas l'air de se prendre pour un grand écrivain. Timothy se voulut pourtant optimiste face au ton désabusé de Pickwick. « Il vaut mieux être passionné par l'écriture et ne pas connaître un succès retentissant, qu'écrire pour l'argent et la célébrité sans y mettre toute son énergie. » Une phrase bateau que son père lui avait dit la première fois que Timothy lui avait parlé de son projet de reprendre la librairie. Mais c'était une phrase tellement vrai.

Néanmoins, Timothy comprit le choix de l'auteur. C'était un choix logique. Puis, il fut soulagé de voir que Pickwick ne prenait pas sa remarque de la mauvaise façon, mieux, il prit soin de renchérir ses paroles. Le sourire de Timothy parut s'élargir à chacun des mots de l'auteur, jusqu'à ce qu'il s'arrête brusquement, ne terminant pas sa phrase.

Le jeune mutant regarda alors Mr Pickwick se demandant ce qu'il avait bien voulu dire. Ses réflexions furent cependant de courtes durées. « J'espère aussi monsieur. » Si Mr Pickwick avait raison, il avait au moins une chance de repartir avec un des ouvrages de Pickwick. Mais une autre question se posa. Si les acheteurs ne venaient pas pour les livres de Pickwick, pour quels ouvrages ils venaient ? L'ésotérisme ? Les mutants ?

Timothy acquiesça lorsque Pickwick s'excusa. « Très bien. »


Pendant qu'il fut seul, Timothy n'eut d'autre choix que de s'occuper l'esprit. Mr Pickwick était un auteur au fond très intéressant mais beaucoup de questions restait encore en suspend. C'est d'ailleurs durant les trente longues minutes d'attentes qu'il repensa aux recherches qu'il avait effectués sur Pickwick dans la semaine. L'absence d'information se tenait. Si Pickwick n'était pas aussi connu que le pensait son père et si Pickwick disait vrai, le manque d'information allait dans ce sens.

Les trente minutes passèrent plus lentement que Timothy ne l'avait espéré. Alors quand Pickwick arriva avec quatre hommes, Timothy put enfin se réjouir. Les choses sérieuses allaient commencer.

Le premier lui serra la main. Timothy l'accueillit avec un grand sourire.

« Cook, monsieur. » répondit-il, en voyant que l'homme en question attendait une réponse. Pas sur au fond que cela ne sert à quelque chose.

Timothy jugea le deuxième homme du regard. Il avait l'air drôlement bizarre. Pas méchant mais bizarre. Le jeune Cook lui adressa un simple signe de tête. Si Clark était bizarre, les deux hommes suivant l'était encore plus. Entre un dont le regard méprisant embarrassa Timothy et l'autre qui portait un uniforme SS, lui donnant l'air sinistre voir effrayant, Timothy avait de quoi se sentir gêné.

Pickwick l'avait détendu, mais la présence des quatre hommes et des deux derniers en particulier, lui soufflait qu'il n'était pas à sa place ici. Il essaya cependant d'y faire abstraction. Il était là pour une unique chose, la vente aux enchères. Une fois terminée, il repartirait aussi vite de chez Mr Pickwick.

Timothy écouta l'auteur avec attention. Il ne jugeait pas les présentations franchement utile, mais pourtant il devait se comporter comme un acheteur et non comme un adolescent qu'on avait envoyé ici par hasard.

Il décida donc qu'il parlerait en premier.

« Timothy Cook, représentant des librairies Cook and co. » Annonça t-il, sûr de lui. Timothy mentit consciemment sur le nombre de librairie qu'il représentait. Après tout, ils n'étaient pas censés savoir que son père tenait une simple et petite librairie de quartier. Et puis, il fallait bien donner un peu de consistance à sa présence ici. Il ne jugea d'ailleurs pas nécessaire de dire les ouvrages qui l'intéressaient et encore moins, combien il était prêt à mettre. De toute façon, dire qu'il n'avait sur lui que cinquante livre, c'était un peu comme laisser la porte ouverte aux remarques déplacées.

Puis, le jeune Cook regarda tour à tour les quatre hommes, en les écoutant se présenter.

L'annonce de Timothy tomba presque à plat... Seul Pickwick lui fit un léger sourire et Clark se fendit tout de même d'une large tape sur l'épaule du jeune mutant. A cette occasion, Timothy se rendit compte que ce type était fort... Très fort ! Il avait même manqué de lui déboiter le bras.

"Un libraire ! J'adore les librairies ! J'en ai une dans ma tête, si, si... je vous assure !"

Le moustachu le gratifia d'un regard haineux. Il lâcha entre ses dents :

"Au lieu de me faire perdre mon temps, peut-être pourriez-vous vous présenter pour qu'on en finisse avec cette mascarade ?"

Clark parut gêné l'espace d'un instant puis enchaîna :

"Je m'appelle Clark et je me représente moi-même. J'adore les livres. Tous les livres. Peut-être parce que mes pères en ont lu beaucoup et que j'ai envie de leur ressembler. D'ailleurs, j'ai repéré dans les ouvrages à vendre un qui a été écrit par l'un des employés d'un de mes pères... C'est très excitant tout cela ! J'aimerai tous les acheter..."

Il marqua une pause puis afficha un air résolu, le menton bien haut.

"... et j'ai 500 livres sterling en poche"

Le moustachu gloussa, s'attirant à son tour les foudres de John Six. Il prit la parole à son tour :

"John Six. Je suis aussi un simple amateur qui souhaiterait acquérir le livre de Misrahi et deux de vos ouvrages : celui ayant trait aux dieux blasphématoires et, celui-là pour une amie, La geste des 4 sadiques. D'ailleurs, je pensais qu'il n'y en avait plus de copie en circulation... Par ailleurs, si cela est possible, je voudrai pouvoir accéder aux recherches que vous avez utilisé pour ces deux ouvrages..."

Le moustachu grogna quelque chose d'incompréhensible. Quant au nazi, son attention avait été attirée. Mais ils ne dirent rien de plus laissant Six faire son offre :

"Je ne pourrais malheureusement pas mettre plus d'une centaine de livres sterling par ouvrage. Mais je peux signer une reconnaissance de dettes si c'est pour obtenir celui que je cherche pour mon amie"

Le nazi s'avança calmement en direction de Pickwick. Il lança d'une voix tout à fait posée :

"Wolfram Schellenberg. J'ai été mandaté par mes supérieurs pour faire l'acquisition de tout ouvrage en rapport aux mutants ainsi que le livre de Misrahi. Nous sommes prêts à mettre jusqu'à 5.000 livres sterling"

Puis il retourna à sa place, calmement. Enfin, le moustachu lança :

"Mon nom n'a aucune importance. Tout ce qui compte c'est que je veux acheter l'intégralité des pièces"

Il avait l'air passablement énervé. Finalement, il éructa :

"Et pour ce faire, je vous paierais 50.000 livres sterling pour peu que vous acceptiez de me suivre !"

Pickwick se raidit. Il n'avait certainement pas pensé que les enchères monteraient aussi haut. L'écrivain semblait même transpirer. Il marmonna en observant le moustachu :

"Mais... Mais qui êtes-vous ?"

L'inconnu répliqua :

"A votre avis, pauvre crétin ?"

Pickwick fit un pas en arrière, comme pris d'un malaise. Clark, Schellenberg et Six ne comprenaient pas ce qu'il se passait. Seul le moustachu continuait à grimacer. Il continua :

"Vous avez ouvert la boite de Pandore, Pickwick. La refermer ne sera pas aussi facile que vous pouviez le supposer de prime abord. Mais si vous acceptez mon offre..."

L'écrivain quitta la pièce précipitamment, laissant les acheteurs en présence des livres. Ils se regardaient comme s'ils étaient à couteaux tirés, à l'exception de Clark qui continuait à sourire naïvement.

Sa présentation n'eut pas l'effet escompter. Seul, Pickwick, qui savait la vérité sur lui et la dite librairie, parut entendre ce que Timothy venait de dire. Du moins avec Mr Clark, qui venait de lui exploser le bras. La tape semble t-il amicale de Clark, ne l'était pas aux yeux de Tiimothy, qui se mit à bouger son bras endoloris par la douleur. Bordel ! C'est qu'il tapait fort ce bougre.

Et alors que le jeune Cook tentait de faire disparaître la douleur occasionné par Clark, il fut le témoin d'une scène qui le dépassa complètement. Chaque acheteur se présenta, mais ce n'est pas ce que Timothy nota de prime abord. C'était plutôt l'argent que chacun désirait mettre. Il se rendit compte que ne rien dire sur ses 50 livres avait été une brillante idée. D'abord, Clark possédait 500 livres. C'était déjà une belle somme, bien plus que ce que possédait son père dans les caisses de la librairie. John mettait 100 livres par ouvrages. Mais au fond, c'était de la rigolade face à l'homme qui se présenta ensuite. Timothy avala difficilement sa salive lorsqu'il entendit le prix que le SS comptait mettre. L'enchère semblait prendre un tournant que visiblement Pickwick n'avait pas prévu.

Le jeune anglais regarda tour à tour les hommes qui s'étaient présentés et s'arrêta finalement sur le dernier. Le moustachu qui avait l'air peu commode. Il ne le sentait pas et le moustachu semblait en vouloir à Timothy. Du moins, c'est comme ça que le jeune Cook interprétait le regard haineux qu'il arborait à chaque fois qu'il croisait ses yeux. Suspendu à ses paroles, il attendait de savoir le nom de l'homme. Mais il n'eut aucune réponse, comme les trois autres acheteurs d'ailleurs.

Un sourcil levé, Timothy essaya de comprendre la situation. D'une le moustachu ne se présentait pas, offrait 50.000 pour l'ensemble et de deux, désirait que Pickwick le suivre. Honnêtement, ça sentait le coup fourré à plein nez. Pickwick n'avait pas l'air de le connaître. Timothy jeta un coup d'oeil aux trois autres acheteurs et vit d'après leures têtes, qu'ils étaient comme lui. Ils ne comprenaient rien.

Pickwick quitta la pièce précipitamment. Timothy le suivit du regard, abasourdi. L'enchère prenait un tournant bizarre. Drôlement, bizarre même. Fronçant des sourcils, il se planta finalement devant le moustachu, voyant que les trois acheteurs ne bougeaient pas le petit doigt. « Vous êtes qui bordel ? » Il planta ses yeux dans ceux de l'homme. « On pourrait peut-être savoir ce qui se passe là ! Non ?! » Timothy avait l'air bien décidé à savoir le fin mot de cette affaire. Le moustachu n'avait aucun droit de se la jouer ' je suis le maître, c'est moi qui fixe les règles. ' Mais une intuition lui soufflait que les choses étaient bien plus subtiles que ça. Et puis par la boite de pandore ? Il avait voulu dire quoi ?

Le moustachu parut s'énerver un peu plus. Voyant que Timothy l'interpellait, il hurla :

"Bouclez-là ! Je n'ai aucun compte à vous rendre ! A aucun d'entre vous !"

Schellenberg s'avança et se plaça devant Timothy. Il lança d'une voix étrangement calme :

"Le môme a raison. Vous devez vous expliquer. Et n'essayez-même pas de me menacer..."

Il souligna cette dernière phrase en sortant un petit pistolet de sa manche.

Six recula d'un pas, cherchant du regard la porte de sortie. Quant à Clark, il commenta :

"Je crois que M. Pickwick est en train de vomir. Et mon programme médical semble m'indiquer qu'il y a bien peu de chances pour que son trouble soit d'ordre physique..."

Le moustachu, ignorant l'arme, éructa à nouveau :

"Si vous saviez qui je suis et ce que j'ai accompli, vous seriez comme cet écrivain raté. Je n'ai pas de temps à perdre avec un avorton, un ersatz d'humain ou avec des crétins dans votre genre"

Puis, grimaçant une espèce de sourire malsain, il brailla sur Schellenberg :

"Lâchez cette arme ou je lâche sur vous mes chiennes de guerre..."

« Pas la peine de hurler ! » rétorqua Timothy, sur le même ton que le moustachu. « Vous vous prenez pour qui ? »

Timothy allait s'avancer encore un peu plus vers le moustachu pour lui montrer qu'il n'avait absolument pas peur de lui quand Wolfram se mit entre lui et le moustachu sans nom. Bien qu'il aurait voulu avoir celui-ci en ligne de mire, Timothy fut soulagé de voir que Schellenberg désirait aussi des réponses. Il y en avait au moins un dans le lot, qui essayait de faire bouger les choses, au contraire de Six et de Clark, qui ne faisait rien. Mais lorsque Schellenberg sortit de sa manche un pistolet, Timothy ne put s'empêcher de s'éloigner du SS, sur ses gardes.

« Ho là ! Pas la peine de s'exciter comme ça ! Vous devriez ranger votre arme monsieur. »

Il regarda Clark, qui commentait l'état de santé de Pickwick. Fronçant des sourcils, Timothy chercha une explication. « Comment ça peu de chance que le trouble soit d'ordre physique ? » C'était inquiétant comme remarque. Si les vomissements de Pickwick n'était pas de l'ordre du physique, c'était toute autre chose. Mais quoi au fond ? Il fallait qu'il aille le voir. Au moins, pour s'assurer qu'il allait bien.

Le moustachu semblait vraiment sûr de lui, assez pour continuer son petit jeu et ignorer l'arme que Schellenberg braquait sur lui. Du moins, jusqu'à qu'il dise un truc bizarre.

« Vos chiennes ? C'est quoi votre délire encore ? » Timothy secoua la tête. « Vous êtes vraiment taré mon pauvre! »

Soupirant, le jeune Cook regarda Schellenberg, essayant par la même occasion de voir si celui-ci allait baisser son arme comme le conseillait le moustachu. Il soupira une nouvelle fois et décida de ne pas s'attarder dans la pièce, les choses prenaient vraiment une tournure dangereuse. Et Mr Pickwick avait semble t-il besoin d'aide.

Timothy se dirigea donc vers la porte de sortie, afin d'aller rejoindre Pickwick et voir ce que celui-ci, avait. Le moustachu n'était, de toute façon, pas très coopératif et sembler désirer garder le mystère sur sa personne. Il était presque certain qu'il ne dirait rien sur lui ou ses intentions.

"Je suis l'un des 4 !" hurla à nouveau l'inconnu. Schellenberg, s'il ne rangea pas son arme, fut pris d'un tremblement à la main. L'officier SS, sans prendre la peine de regarder Timothy, lança :

"Ce... Ce n'est pas possible"

Le moustachu eut un sourire mystérieux qui ne laissa pas non plus Six indifférent qui recula encore d'un pas. Seul Clark semblait encore calme. Il commenta à l'attention de Timothy, alors que ce dernier allait pour quitter la salle :

"Je viens avec vous. J'ai toujours rêvé de réaliser un examen médical ! Même si je pense que M. Pickwick est juste pris d'une peur panique. Comme c'est excitant !"

L'inconnu ricana.

"Très bien, je les appelle ! Mes chiennes vont s'abattre sur vous et dévorer vos entrailles. Et je danserai sur vos boyaux tout en faisant un feu de joie de cette maudite bibliothèque !"


Quittant l'antre de la folie, Timothy - talonné par Clark - tomba sur Pickwick, affalé contre un mur. L'écrivain s'était vomi dessus. Il tenait à la main son téléphone portable. Il tremblait.

Voyant Timothy s'approcher de lui et Clark fermer la porte, il lança :

"Merci... Je crois que ça ne va pas aller..."

Clark répliqua dans un grand sourire :

"Je pensais bien qu'il fallait fermer cette porte. Un examen médical doit respecter une certaine confidentialité. Oui ! Et un patient a toujours besoin de calme et de repos ! Après j'irais voir M. Moustache Méchante pour faire une évaluation psychiatrique. Comme cela va être excitant ! Oh oui ! Oh oui !"

Pickwick remarqua sa chemise maculée des restes de son dernier repas et ajouta :

"J'ai appelé ma femme... Elle arrive... Je... Je suis désolé que vous ayez été mêlé à tout cela. J'aurai du l'écouter et brûler les livres et les papiers..."

Timothy ne comprenait rien. D'abord, le moustachu virait dingue et ensuite, il prônait être l'un des quatre. Un des quatre quoi ? Mousquetaire ? Six et le SS semblait comprendre ce qu'il voulait dire. Seul Clark, à bien le regarder, paraissait serein.

Le jeune Cook acquiesça aux dires de Clark, s'apprêtant à sortir de la pièce. Du moins, jusqu'à ce que les paroles du moustachu le stoppe net dans son élan. Timotha jeta un regard à l'homme, avala sa salive avec difficulté. Il était vraiment dingue. Trop pour qu'il joue la comédie, dans tous les cas. Ces paroles faisaient froid dans le dos. Aussi, après avoir inspiré une grande bouffé d'air pour reprendre un peu de prestance, il sortit de la pièce en compagnie de Clark.

Ils tombèrent rapidement sur Pickwick. Timothy s'empressa de le rejoindre alors qu'il était affalé contre le mur. Il sentit l'odeur nauséabonde du vomi de Pickwick s'infiltrer dans ses narines et un haut le coeur le prit. Manquant à son tour de renvoyer son déjeuner, il essaya de sourire à Pickwick puis se tourna vers Clark.

« Excitant ? Ce mec est dingue. Vous avez bien entendu ce qu'il a dit ! Qu'il dansera sur vos boyaux. C'est tellement dégueulasse que ça fait peur. » Timothy avait l'air vraiment perturbé par les paroles du moustachu. « Vous avez appelé votre femme ?! » Le jeune mutant écarquilla des yeux. « Mais ... Pourquoi vous n'avez pas appelé la police, bon sang ! » Il soupira. « Désolé ? Il y a un dingue qui veut nous donner comme repas à ses chiennes et vous êtes désolé ?! Bordel, c'est quoi ce délire ?! C'était censé être une simple enchère ! » s'énerva Timothy, sous le coup du stress et de la panique qui semblait gagner du terrain sur lui.

"Oh que oui, Monsieur Moustache Méchante est dingue ! Oh que oui ! Fou à lier !" lança Clark, toujours aussi enjoué, tandis qu'il examinait Pickwick et lui prenait son pouls.

L'écrivain, quant à lui, posa sur Timothy un regard plein de compassion :

"Je... Je..."

Il marqua une pause pour avaler péniblement sa salive. De la bibliothèque, Timothy pouvait entendre des éclats de voix : on s'y disputait très bruyamment.

Finalement, Pickwick parvint à dire :

"Ma femme est d'ailleurs... La police aurait été inutile. J'ai écrit sur bien des sujets et fait des bien des recherches. Cette vente n'est pas une vente normale. Elle n'a attiré que des personnes impliquées... à votre exception. J'ai écrit sur cet homme. Tout comme j'ai écrit sur beaucoup de sujets... Il vous faut fuir. Et vite !"

Clark reposa la main de l'écrivain et conclut :

"Quel bonheur ! Il ne va pas mourir ! Il va même très très bien... Je m'en vais voir Monsieur Moustache Méchante. Oh que oui, je m'en vais le voir..."

Et il laissa Timothy et l'écrivain pour pénétrer à nouveau dans la bibliothèque. Le jeune mutant eut une drôle de vision fugace... "Moustache" était toujours en train d'éructer, le SS avait sorti son pistolet qu'il pointait fébrilement et Six... Six était en train de léviter !

Et à ce moment là, la serrure de la porte d'entrée explosa de l'extérieur. Quelqu'un venait de faire feu dessus !