[Courtier de Kalalli Renand] Fin de concert

Il était tard. Minuit était passé depuis une bonne heure mais l'ambiance au concert était encore énergique. Kalalli et les autres membres de son club de danse avaient participé à la représentation en tant qu'accompagnement aux quelques chanteurs régionaux qui s'étaient produits dans le stade d'une ville voisine.

Une grande scène éclairée par de nombreux spots avait été montée au milieu du terrain et un grand nombre de gradins avaient permis d'avoir une assistance conséquente. La soirée touchait à sa fin et Kalalli sentait qu'il n'aurait aucune difficulté à s'endormir en rentrant, emprunt d'une agréable fatigue après s'être dépensé pendant près de deux heures sur scène avec ses amis.

Le stress de la représentation disparu, il s'échappa avec ses camarades derrière le rideau, content de leur performance à tous et de l'entrain dont le public avait fait preuve. L'Inuit se dirigea rapidement vers les bouteilles d'eau qui étaient offertes pour le personnel et vida la moitié d'une en une traite. La température avait été étouffante sur scène mais maintenant, il ressentait la fraîcheure extérieure qui était agréable.

Il sourit à ses amis qui vaquaient à leurs occupations post-concert (SMS, se reposer, boire, papoter) alors que leur coach, Emmanuelle, donnait son avis sur la performance avec certains de ses élèves. Ils s'étaient tous entraînés longtemps et régulièrement pour l'occasion et les résultats semblaient très satisfaisants.

Kala avait appris à parler français durant ces quelques années passées en Suisse et gardait son accent américain marqué. Il ne comprenait pas toujours tout ce qu'on lui disait à cause du riche vocabulaire à apprendre, mais faisait des efforts pour s'améliorer.

Le garçon sortit de sa poche son portable extra-fin et envoya un message à sa petite amie qui avait assisté au concert pour la prévenir qu'il arriverait d'ici une vingtaine de minutes dehors pour la retrouver. Une fois envoyé, il s'apposa sur le coin d'une table quelques instants pour se reposer. Il ne manquerait plus qu'un rapide commentaire de leur coach puis un passage aux vestiaires pour récupérer les quelques affaires qu'il y avait laissé, et il pourrait rentrer.

Visiblement aux dires d'Emmanuelle, la représentation s'était plutôt bien passée et Kalalli avait assuré !

C'est donc un inuit rassuré qui peut aller se changer et flâner un peu dans les vestiaires en attendant de se rendre au rendez-vous convenu avec sa petite amie.

Kalalli sortit de la salle en même temps qu'Emmanuelle. Elle lui lança un petit mot d'encouragement mais...

... l'attention de l'inuit était monopolisée par une scène étrange qui se déroulait à l'extérieur.

Trois hommes armés de fusil étaient en train de mettre en joue la foule, tandis qu'un quatrième - un vieux type moche en costume cravate - était occupé à faire monter de force une jeune femme dans une grosse berline noire.


Le type hurla, avant de grimper à l'arrière du véhicule.

"Tirez sur ces chiens ! Tirez !"

Et les hommes firent feu à plusieurs reprises sur la foule avant de monter à leur tour dans le véhicule. Ce dernier démarra au quart de tour... laissant derrière lui un spectacle de désolation.

Plusieurs badauds avaient été touchés. Et à côté de l'inuit qui n'avait pas eu le temps de réagir, gisait Emmanuelle, le corps criblé de balles, un impact bien visible entre les deux yeux... et la chère et tendre de Kalalli n'était toujours pas arrivée.

Emmanuelle leur confirma rapidement que tout avait été très bien et qu'un débriefing plus détaillé se déroulerait lors de la prochaine séance d'entraînement. Très satisfait que même leur coach reconnaisse la réussite de la soirée, Kalalli se rendit aux vestiaires et se rhabilla normalement, quoique sa tenue de danse n'était pas si étrange que ça pour sortir à l'extérieur.

En sortant, il croisa leur entraîneuse avec qui il commença à échanger quelques mots lorsque soudainement, Kalalli remarqua les hommes armés qui visaient la foule alors qu'un autre homme embarquait de force une femme dans une voiture noire en hurlant de tirer. Kalalli eut à peine le temps de songer à lancer son pouvoir tant l'action avait été rapide. Malheureusement, alors qu'il comptait paralyser les hommes armés, les coups de feu retentirent et le garçon se baissa rapidement par réflexe, surpris par l'obéissance inconditionnelle portée aux ordres aussi meurtriers. Un des coups passa à quelques centimètres de lui mais il ne fut pas toucher.

A peine releva-t-il le visage que la voiture disparaissait. L'inuit passa son regard sur la population parmi laquelle de nombreuses personnes étaient choqués. Un certain nombre de gens avaient été touchés par le massacre. Et puis il tourna la tête vers Emmanuelle, restée au sol. Au sang qui tâchait ses habits, il n'était pas difficile de comprendre ce qu'il s'était passé. Et puis il vit son visage sur lequel un impact de balle était nettement marqué entre les yeux. Kalalli porta ses mains à la bouche, les larmes aux yeux.

Emmanuelle était morte. Qu'est ce qui s'était passé ? Pourquoi avaient-t-ils tiré alors que personne ne les empêchait de faire quoique ce soit pour capturer la fille. D'ailleurs, c'était qui ? Le garçon songea directement à sa petite amie qui devait théoriquement arriver. Il espérait de tout son coeur qu'elle était en retard, et commença à imaginer les pires scénarios. Il se saisit rapidement de son portable et l'appela en commençant à tourner parmi les personnes touchées par les tirs pour vérifier qu'elle n'y était pas, la poitrine bloquée par l'angoisse et la peur au ventre.

Kalalli appela sans succès sa copine. Après tout, des coups de feu avaient été tirés et tout le monde était en panique ! Le mouvement de foule qui s'était produit en conséquence allait d'abord devoir se calmer avant qu'il ne puisse espérer l'avoir...

Quoiqu'il en fut, elle n'était pas au nombre des blessés ou des tués.

Alors que l'inuit faisait le tour des dégâts, son attention fut attirée par une main qui tirait son pantalon. Il s'agissait d'une femme allongée au sol. L'inuit avait d'abord pensé qu'elle était morte vu la quantité de sang qui s'écoulait de ses plaies. Mais non... Elle n'était pas fraiche mais pas encore tout à fait dans la tombe.

"Ma fille... Ce fumier a pris ma fille... Comment il a pu me faire ça... Je..."

Elle cracha du sang sur Kalalli.

"Retrouvez-là... Retrouvez-le et... tuez-le..."

La main retomba. La femme avait poussé ses dernières paroles.

Kalalli ne reçut aucune réponse à son appel téléphonique mais en faisant le tour, il fut rassurer de ne pas la voir allongée au sol dans une marre de sang. Alors qu'il jetait un dernier coup d'oeil, il sentit qu'on lui agrippait le mollet pour attirer son attention. Une des femmes qu'il pensait définitivement morte agonisait et lui demanda de retrouver les responsables. Elle semblait être la mère de la fille kidnappée.

Le garçon n'eut rien le temps de faire que la femme poussait son dernier soupir. Il n'avait aucune idée de la façon dont il pouvait les retrouver. Les hommes étaient partis bien vite et dans l'action, il avait été loin de pouvoir regarder la plaque d'immatriculation ou de remarquer grand chose. Il essaya alors de demander autour de lui comment les hommes étaient arrivés, qui était la fille enlevée ou l'homme moche qui avait hurlé de tirer, et s'il s'était passé quelque chose qui puisse justifier quoique ce soit. Encore que dans la situation présente, rien ne semblait être capable de justifier un tel acte...

Avec en arrière plan sonore les sirènes des secours approchant, Kalalli procéda à sa petite enquête. Bien sur, la plupart des personnes présentes étaient trop secouées pour se souvenir de quoi que ce soit, bien sur tout était allé très vite... Mais néanmoins, un témoignage valut la peine d'être recueilli.

Il s'agissait d'une jeune femme un peu speedée. Elle avait vu sa dernière heure arrivée et elle était toute proche de la fille enlevée et de sa mère morte au moment des faits.


"Mince, j'aurai pu me faire tuer ! Je les ai vu les balles... Bordel, morte avant d'avoir eu mon premier scoop..."

Il apprit que la jeune femme était pigiste dans un canard local et qu'elle était là ce soir pour rendre compte du spectacle (soit dit en passant le truc le plus naze et ronflant que j'ai jamais vu...).

"Enfin, je sors en me demandant comment la soirée pourrait être plus pourrie et avec la furieuse envie de me saouler au débouch'toilette, histoire de ne plus jamais avoir à me souvenir de tout ça quand..."

Elle marqua une pause pour mieux trouver ses mots puis reprit :

"Quand j'entends la gamine - la petite poulette qui a été enlevée - s'écrier "Papa" ! Sauf que c'était pas un cri de joie comme quand on voit son père les bras chargés de présents mais bel et bien un cri de terreur..."

Les pompiers étaient maintenant sur place, ainsi que les policiers. La femme commenta :

"Dommage qu'après je me sois jetée au sol pour éviter d'être massacrée. J'ai rien vu d'autres. Mais je serai bien curieuse de connaître l'identité de la victime... Pis franchement, si je pouvais avoir un scoop sur cette affaire ça m'éviterait d'avoir à faire un papier pour massacrer un spectacle dont on ne devrait même pas avoir à parler..."

Les sirènes au loin laissait à penser que les secours arrivaient pour aider les blessés. Kalalli devait se dépêcher de poser les questions avant que les gens ne se dispersent, bien qu'il ne doutait pas que certains aient des témoignages à donner. L'un des seuls intéressant qu'il obtint venait d'une femme qui semblait penser à sa carrière de journaliste tout juste après sa vie.

Le garçon fit la moue lorsqu'elle annonça à plusieurs reprises qu'elle avait trouvé le spectacle nul. C'était surement le genre de personne qui avait besoin d'écrire des méchancetés pour se sentir au dessus des autres. C'est sûr que devoir commenter quelque chose qui de base n'était pas dans nos centres d'intérêts était quelque chose de peu objectif. Aussi ignora-t-il ses remarques méchantes, d'autant que ça ne lui faisait ni chaud ni froid dans la situation actuelle.

Le plus important était l'information à propos de la victime. Le monsieur moche qui avait hurlé était son père.

" Il avait de sacrés gorilles avec lui... " commenta le garçon. " Ca servait à quoi de tirer sur les gens ? Pourquoi il les a traité de chiens ? Ils lui ont enlevé la garde de sa fille ? "

C'étaient des questions qui ne pouvaient pas trouver de réponses pour le moment, mais elles restaient des pistes.

" Vous n'avez pas accès à des archives de votre journal ? Trouver quelque chose sur la famille. "

Si la journaliste était prête pour un scoop, Kala devait se servir d'elle pour avoir des infos. Mais c'était donnant donnant.

" Je vais vous donner une information pour votre scoop. Mais on marche ensemble par contre. Je veux pas du scoop moi, alors ça restera le votre. Mais vous me lâchez pas. Si vous trouvez des infos, vous me les donnez en avant première. "

Il laissa planer quelques secondes le suspens et indiqua sans montrer la défunte :

" Je peux connaitre le nom de famille de l'assassin. Mais il faut se dépêcher. "

Kalalli s'assura du soutien de la femme, puis, profitant de la situation générale, et malgré l'arrivée de la police, l'Inuit se rapprocha de la femme morte pour trouver discrètement ses papiers d'identité tout en faisant mine de vérifier qu'elle était sans vie. Tout le sang présent lui donna un haut le coeur, mais il essaya malgré tout de mener à bien sa recherche rapidement.

"Ouais pour le journal, ça devrait pouvoir se faire... Me faut juste quelques éléments pour commencer à bosser mais ça devrait être dans l'ordre du possible" lança la fille tout en se grattant la tête.

Tandis que Kalalli essayait discrètement de fouiller la défunte, profitant de ce que la police semblait dans un premier temps tenter de porter secours avec les pompiers aux blessés, la fille commenta :

"Ouais, ouais le scoop c'est pour moi et pour toi une médaille de super-héros. T'inquiètes, je parlerai de toi si tu résouts l'enquête. Mais faut dire qu'il me semblait sacrément aller pas bien le mec... S'il voulait sa petite poulette pourquoi tirer sur les gens ? Et pourquoi tous ces gardes ? Ça doit couter cher ce genre de trucs... Ouais, un bordel sacré paquet de biffetons, tout ça..."

Finalement, Kalalli réussit à extirper le portefeuille de la morte. Il n'y avait pas grand chose dedans. Quelques billets, une photo avec sa fille enlevée, une carte bancaire et... une pièce d'identité helvète !


A peine l'inuit eut-il empoché la carte qu'un fonctionnaire de police le fit reculer. Les blessés étaient en cours d'évacuation et les agents de la force publique allaient sécuriser le périmètre...

Une fois à l'écart, la journaliste nota les informations de la pièce d'identité sur un bout de papier et lui tendit sa carte de visite. Elle s'appelait Charline Larbaud. Elle récupéra également le téléphone de l'inuit pour qu'ils puissent convenir dès que possible d'un rendez-vous.


Le lendemain, dans un troquet de la ville, Kalalli se retrouva avec Charline. Elle semblait assez excitée ! Elle en savait un peu plus sur la défunte, la fille et le père.

"Bon, la fille s'appelle Jocelyn Douglas. Elle a gardé le nom de sa mère. C'est pas ce qui est intéressant en fait..."

Elle sortit de son sac un jugement de divorce prononcé par une juridiction helvétique.

"Il se trouve qu'il y a quelques années, Madame Douglas a demandé le divorce d'avec son mari, un certain Sir Edward John. Madame Douglas avaient à l'époque la nationalité britannique, tout comme son mari. Mais j'sais pas, il y a à peu près 7 ans, elle semble être partie avec sa fille sous le bras en Suisse. Elle a demandé la nationalité helvète et a introduit cette action en divorce pour laquelle Sir John ne s'est pas défendu. En parallèle, elle a également effectué un dépôt de plainte à la police de Sion pour violences conjugales... L'affaire a été rapidement classée suite à ce qui semble être une intervention des autorités consulaires britanniques..."

Charlie parlait vite. Elle était très excitée par la piste qu'elle était en train de remonter.

"J'ai réussi à localiser Sir John. Il est membre de la Chambre des Lords et possède un château ainsi que de nombreuses terres non loin d'Inverness, en Écosse"

Kalalli avait hoché la tête lorsque la jeune femme avait dit que le kidnappeur ne devait vraiment pas aller bien dans sa tête. Même s'il pouvait comprendre qu'on en vienne à vouloir revoir à tout prix quelqu'un, tuer des innocents était quelque chose qui le dépassait, surtout alors que ce n'étaient que des badauds. Et il devait en effet avoir une certaine fortune personnelle pour avoir ces gardes du corps.

L'Inuit parvint à trouver l'identité de la femme grâce à une carte d'identité, juste à temps. La police était maintenant en train de faire reculer les gens. La journaliste qui s'appelait Charline nota les informations et ils s'échangèrent leurs numéros de téléphone afin de rester en lien. Kalalli espérait que la femme de ne trahirait pas. Il n'avait pas besoin de ça, avec la mort d'Emmanuelle. Même s'il savait qu'il n'y était pour rien, il était tout près d'elle lorsqu'elle avait été touchée. Bien qu'il n'avait pas eu le temps de répondre à la mère défunte, il voulait sauver la fille, alors que rien ne l'y obligeait. La principale raison était qu'il se savait capable de réussir avec ce qu'il avait entrepris quelques années plus tôt. Et si lui ne faisait rien, il doutait que la fille soit secourue assez rapidement.

Le lendemain, Charline avait convenu d'un rendez vous dans un troquet. Ravi qu'elle ne se soit pas moquée de lui, il y vint et la trouva. Elle paraissait avoir trouvé des choses à l'attitude excitée qu'elle avait, comme une enfant. Mener l'enquête devait probablement être un peu moins morne que chercher le moindre petit scoop et écrire des cochonneries dans son canard local pour acheter la graine.

Et en effet, les informations étaient importantes puisqu'elles n'étaient rien que moins que l'identité et la motivation du kidnappeur. De plus il était violent avec sa famille et n'avait rien entrepris contre le divorce. Sans compter que le consulat britannique l'avait couvert, ce qui prouvait que son rôle de membre de la Chambre des Lords avait pesé. Enfin il était probablement retourné en Ecosse, quoique trop prévisible peut être.

" Vous pensez déjà qu'il est retourné dans son château ? S'il a une forme d'immunité diplomatique, c'est quand même gros avec ses assassinats maintenant. "

Et puis l'Ecosse, c'était tout de même pas à côté. Charline comptait-elle vraiment y aller ?

" On fait quoi maintenant qu'on sait qui ils sont ? On va toquer à son château ? Vous voulez partir là bas pour continuer l'enquête ? "

Lui avait quand même des cours et un examen en fin d'année.

" Enfin si on veut retrouver Jocelyne, on n'a pas trop le choix... "

Charline opina vigoureusement du chef.

"C'est la seule piste qu'on a... Je vais voir avec mon journal pour me faire payer le transport. Mais c'est trop gros ! On peut pas laisser ça de côté !"


La journaliste était une femme de parole. Elle recontacta Kalalli deux jours plus tard. Pendant ce laps de temps, l'inuit avait eu le temps de remettre ses affaires en ordre. Et Charline avait réussi à obtenir les fonds... Et puis, ce n'était l'affaire que de quelques jours, non ?


Le voyage en avion jusqu'à Glasgow avait été agréable et sans problème. Arrivés en Écosse, les deux alliés avaient loué un véhicule électrique... et c'était parti pour le château de Cawdor, propriété de Sir John !

Écosse