[Courtier Mikhaïl Krarmia] Russie, Arkhangelsk - Qui marche dans la neige ne peut cacher son passage...

Un nouveau moment de silence, et puis la femme, comme à son habitude, répondit.

« Je vois. Merci pour votre appel, Monsieur Menchikov. »

Et elle raccrocha sans préavis, laissant Mikhaïl devant la cabine téléphonique, au milieu d’une rue déserte dont un bâtiment avait été réduit en miettes par l’explosion. Il devait décider que faire. Où aller. Il devait décider de son avenir.

À moins qu’on ne s’en charge pour lui.

Une voix féminine retentit soudainement derrière lui.

« Retournez-vous calmement, monsieur Menchikov. »

Il put voir, lorsqu’il se retourna, il put voir une demoiselle à la peau blanche et aux cheveux immaculés. Elle avait les yeux gris foncé fixés droit sur lui. Et un flingue dressé droit sur lui en main. Ses lèvres bleues remuèrent à nouveau, froidement.


« Veuillez mettre vos mains sur votre tête, et ne plus bouger… »

L’inconnue te fixa avec rudesse. Sa peau pâle, ses cheveux blancs et ses lèvres bleues n’étaient pas des artifices. Ils « collaient » trop bien à la peau de leur détentrice. C’était leur couleur naturelle. Elle était mutante, et ne tarda pas à le prouver. En un clin d’œil, elle disparut de son emplacement pour se précipiter vers Mikhaïl avec une si grande rapidité que son regard ne put la suivre. L’instant d’après, elle était à nouveau à sa place initiale. Mais ce n’était plus un flingue qu’elle pointait sur le mutant, mais bien deux. Elle venait de le désarmer, sur le temps d’un battement de cil.

Elle ne répondit pas directement à la question, même si ses propres interrogations placèrent le contexte, sommaire, de sa présence.

« Quels sont vos liens avec Beluga ? Et quelle était cette affaire dont vous parliez, l’instant d’avant ? »

Deux solutions : l’appel du russe avait été intercepté, ou alors la mutante était déjà présente derrière lui lorsqu’il avait parlé… Quoi qu’il en fut, la voix d’ Quoi qu’il en fut, la voix d’Anya n’avait pas déglacé.

Lorsque son flingue disparut dans un flash pour se retrouver dans son autre main, prit un peu plus conscience de la véritable apparence de la femme. Il ne put empêcher un sourire de s'étirer sur ses lèvres. Mutante. Et rapide. Ce qui expliquait pourquoi il ne l'avait pas vu arriver... Il se détendit et ricana. Aucune chance que celle-ci soit à la solde du président américain ou de Vicovitch. Surtout qu'il commençait à la reconnaitre maintenant... Solovia, Soloviev, ou quelque chose comme ça. Une des responsable du parti Existenz, mais surtout une ancienne agent du FSB, du peu qu'il en savait. Des bruits de couloirs qui trainaient parfois, ceux à son sujet étaient les pires.

" Beluga ? J'aimerais bien le buter depuis un p'tit quart d'heure... " " Il redevint sérieux, fixant sombrement les deux pistolets. " Écoutez m'dame, j'apprécierais que vous baissiez nos armes, vous vous trompez sur toute la ligne. Cette "affaire", c'est un enfant de salaud qui a fait sauté pratiquement tout le paté de maison où se situait un bar mutant. " Il indiqua la direction de la tête. " Vous pouvez encore voir des morceaux de toutes les couleurs qui trainent dans les décombres. Je me suis... occupé du terroriste, et en essayant de remonter la piste, j'suis tombé sur le secrétariat personnel de Beluga. Étrange coïncidence, hein ? Je m'y suis mal pris en tout cas, et j'imagine que ce cher Lewis et sa secrétaire sont pas les seuls à écouter la ligne..."

La mutante jaugea un instant Mikhaïl, le sondant de son regard gris, comme pour chercher la faille dans ce qu’il venait de dire. Puis, sans le lâcher du regard, elle rengaina son arme, et mit celle volée au policier à l’arrière de son pantalon de cuir. Toujours du même ton glacial, elle répondit :

« C’est aussi une coïncidence si vous vous trouviez à cet endroit, à cet instant ? »

Elle n’avait pas pu ôter la suspicion de sa voix. Mikhaïl était peut-être un homme de Vicovitch tentant de le doubler. Ou de la tromper par un mensonge éhonté. Sa question demandait certainement une réponse plus élaborée qu’il n’y paraissait. Une justification.

Mikhaïl haussa les épaules, se tournant vers la fumée qui montait en spirale vers le ciel.

" Croyez-le ou non, mais ouai... Ce qui subsistait de mon enfance se trouvait là-bas. " il lâcha la suite dans un murmure. " Même si ce reste avait sûrement disparu avant même l'explosion... "

Son regard se durcit et il laissa ses bras retomber le long de son corps.

" Ecoutez, si vous me croyez pas, vous trouverez deux rues plus loin le cadavre du mec responsable. Vicovitch, un vieux con raciste et anti-mutant. Une balle dans chaque genou, gorge écrasée. " Un silence. " J'suis mutant, moi aussi. "

« Je l’ai croisé en venant ici. »

Elle leva néanmoins un sourcil à ton aveu de mutation.

« Un mutant, hein ? Et quel est votre pouvoir ? Avez-vous déjà entendu parler d’ExistenZ, monsieur… monsieur ? J’imagine que vous n’avez pas été stupide au point de donner votre vrai nom à Beluga. »

Son ton était toujours froid, mais nettement moins menaçant.

« Vous serez alors surpris d’apprendre que le parti s’occupe, en plus de politique, des mutants oppressés dans le monde que les humains tentent de s’approprier. À ce titre, Monsieur Beluga est notre ennemi. Il est donc logique que nous surveillions ses… affaires bizarres. »

Son ton, comme son regard, ne reflétaient que la froideur. Et sa pâleur naturelle était encore plus accentuée par le décor morne de cette petite rue industrielle russe.

« Avez-vous déjà imaginé aider les mutants en difficulté, monsieur Krarmia ? Avez-vous déjà pensé affirmer votre nature de mutant contre les oppresseurs humains ? Je vous offre cette chance, aujourd’hui, et maintenant. La saisissez-vous ? »

Elle parlait sans détour, directe, franche.

À la première phrase du russe, Anya fronça les sourcils, d’un air songeur.

« Une élimination directe de ce flambeau de la haine anti-mutante ne ferait que radicaliser les positions des extrémistes de ce bord, et l’opinion commune pourrait pencher vers une victimisation de ces odieux personnages en plaçant au titre de martyr, voire de prophète, celui qui leur a montré la voie. Il faut agir plus finement, moins directement. C’est lui qu’il faut effrayer, qu’il faut troubler. Et par lui, tous ses électeurs, et les personnes qui pensent comme lui. »

Son regard s’était illuminé d’une lueur un peu fanatique. Comme une farouche guerrière brandirait son étendard, son drapeau de bataille.

« Ce qui n’empêche pas de le surveiller étroitement. »

À l’acceptation de Mikhaïl de rejoindre ExistenZ, elle parut satisfaite, et opina gravement du chef, sans pour autant sourire.

« Aucune contrainte que vous ne voudriez pas respecter, monsieur Krarmia. Nous vous proposons le gîte et le couvert en échange de votre militantisme pour nos idées. Celui-ci peut prendre la forme que vous souhaitez, à New-York. Public ou… plus privé. À ce titre, nous offrons la possibilité à nos membres de remplir quelques services rémunérés faisant avancer notre cause. Mais une fois encore, aucune obligation, tant que vous ne vous y êtes pas engagé. »

Elle fixa le mutant sans ciller, attendant sans doute une réaction face à ses propos.

« Moi non plus… »

Répondit-elle laconiquement à la première intervention de Mikhaïl. À la seconde, elle haussa les sourcils avant de donner sa réponse.

« La politique, c’est Mark Johnson qui s’en charge. Alors à moins que vous n’ayez un talent caché pour ce domaine, ce qui ne semble pas être le cas, vous n’aurez pas à vous en charger. C’est d’ailleurs à moi, et non à lui, que vous pourrez référer de vos actions. Je coordonne les ‘autres’ activités du parti. »

Celles où les flingues étaient de rigueur, sans aucun doute…

« Bon. Assez discuté. Pour un allez simple et rapide vers New-York, c’est tout de suite. Et c’est sur mon dos. Si vous avez besoin de plus de confort, vous pourrez sans doute vous trouver un bateau qui atteindra les Etats-Unis dans une semaine ou deux… »

Elle marqua une pause, en rengainant les deux flingues dans une poche fermée.

« Décision ? »

Coordonner les autres activités du parti... Une formulation qui n'aurait sûrement pas fait tâche en pleine Union Soviétique. Et qui convenait parfaitement au jeune russe. Le verbe était loin d'être son point fort, et une justice expéditive et efficace était souvent nécessaire.

Face à la proposition de voyage, il eut du mal à empêcher un sourire de s'étirer sur ses lèvres. Monter sur son dos ? Il mit mentalement un barrage devant toute blague salace qui lui venait à l'esprit, et fourra les mains dans ses poches.

" Bah, le confort est un luxe, et je suis sûr que votre corps conviendra parfaitement. Avant de partir, il serait peut-être intéressant de récupérer les cartes de Vicovitch, je les ai jetées deux rues plus loin. Il y a son adresse, et quelques numéros intéressants qu'un hacker talentueux saurait sûrement exploiter. "

Elle opina du chef suite aux propos du mutant, puis sembla s’éclipser, le temps d’un quart de seconde… Quand elle reparut, elle avait lesdites cartes en main, et empoignait les coudes de Mikhaïl avec les siens pour le maintenir serré contre son dos.

Puis… puis elle démarra. En quelques minutes, ils furent tous les deux de l’autre côté du monde, à New-York, devant le siège d’ExistenZ. Mikhaïl avait été plus que secoué par le trajet. Sa coiffure ressemblait à celle d’un porc-épique essoré. Mais il était sauf… Juste un peu secoué.


[HJ : voilà ta phase courtier terminée. Tu fais désormais partie d’ExistenZ ! Bienvenue à toi ! Je te rajoute au groupe à l’instant. Tu peux dès lors ajouter 3 points à ton barème, et ensuite aller lire un peu tout ce qu’il y a à lire dans la partie privée de la faction.]