[Courtier Mikhaïl Krarmia] Russie, Arkhangelsk - Qui marche dans la neige ne peut cacher son passage...

Mikhaïl sortit de la gare, prenant le temps d'examiner ce qui l'entourait. Les bâtiments lui paraissaient étonnamment familiers, même après tout ce temps. Dix ans... Presque la moitié de sa vie. Rester à Saint-Pétersbourg aurait été risqué, si ses anciens employeurs le reconnaissaient et se souvenaient de lui... Il serait un homme mort. Et après quelques mois à errer sans but, il n'avait pas pensé à autre chose que revenir ici. Nostalgie, mélancolie, les raisons auraient pu être nombreuses, mais il avait avant tout besoin de retrouver un semblant de chez-soi. Le russe s'attendait à être déçu, mais les malentendus étaient toujours possible... Et il ne s'engageait à rien. Tout ce qu'il possédait désormais, c'était un sac, quelques affaires et le peu d'argent qu'il ne tarderait pas à dépenser.

Et pour cela, il connaissait l'endroit idéal ; le bar où son père et ses collègues se retrouvaient, après l'usine, non loin d'ici. Mikhaïl venait régulièrement l'y rejoindre, pour prendre un chocolat chaud, écouter les voix bourrus, grossières, envoûtantes de ces grands hommes. Un des quelques moments véritablement joyeux de son enfance, qu'il n'avait pu retrouver après leur déménagement et... l'apparition de sa véritable nature. Quoi qu'il en soit, l'établissement offrait ce dont il avait besoin en ce moment ; excepté une bonne douche. Avec un peu de chance, il pourrait même croiser son oncle ou ses cousins, même si se reconnaitre après tant d'années tiendrait du miracle. Il se mit donc à marcher vers cette nouvelle destination, s'allumant une cigarette et resserrant le col de son manteau, faisant crisser la fine couche de neige qui subsistait malgré la chaleur.

Mikhaïl arriva assez rapidement à destination. Il connaissait encore le chemin, malgré toutes ces années passées à vagabonder dans sa Mère Patrie, que ce soit seul ou au service de celle-ci. Hélas, avec les années, l’endroit avait changé. L’industrie voisine, où son père travaillait autrefois, avait visiblement été fermée, et le quartier était laissé à l’abandon. Les ruines rouillées d’une ancienne usine grinçaient sous le poids de la neige qui fondait lentement, sans jamais totalement disparaitre.

La vieille bicoque qui abritait le café était pourtant toujours entière, et dressée. Une enseigne faisait clignoter irrégulièrement le mot « Bar », écrit en lettres capitales. La porte était fermée, et les vitres recouvertes de tissus sombres. On ne voyait rien de ce qui se passait à l’intérieur. Pourtant, le lieu était actif, au vu de l’enseigner allumée…

Alors que le mutant s’en approchait, la porte s’ouvrit, et une musique bruyante en sortit en même temps qu’un homme assez âgé dans un manteau en fourrure grise épaisse, avec une tuque noire vissée sur le crâne. Une barbe blanche coupée en rectangle encadrait son visage.


Il était accompagné d’une demoiselle fort peu habillée, et bien trop maquillée. Mini-jupe sous une veste courte au large col de fourrure. Sa démarche hésitante sur la neige était due à des bottes à talons plus que hauts.

L’homme arrêta son regard sur Mikhaïl un instant, comme un moment de doute… Le mutant put alors reconnaître l’un des anciens collègues de son paternel… Un type dont il ne se rappelait de plus rien, sinon du visage. Il avait vieilli, depuis… Même si la demoiselle à son bras était plus jeune que Mikhaïl.

Le vieil homme fronça les sourcils lorsque Mikhaïl lui adressa la parole, et sa pouf se mit à tapoter des doigts sur la rambarde en acier de la devanture du bar, comme si elle s’impatientait déjà… Le russe ignora ta main, et se contenta de te répondre, d’un air écœuré :

« Sergueïvitch ? Ouais j’me rappelle bien. Et toi t’es son fils ? Le monstre ? »

La miss tiqua à cette appellation, et jeta un regard courroucé vers le vieil homme, mais n’intervint pas pour autant. Elle regarda ensuite intensément, clope à la main.


L’homme reprit presque aussitôt.

« Qu’est-ce que tu fous là ? T’as plus rien à faire ici ! »

L’ancien collègue du père de Mikhaïl recula sous le choc, outré par la violence faite à son égard. Il n’en menait pas large, c’était certain. Il descendit en quadruple vitesse les marches du perron, et avança rapidement dans la rue. Il se retourna une fois, le poing levé, pour crier :

« Tu ne perds rien pour attendre, gamin ! »

Et il disparut au premier virage, laissant sur place sa compagne… Celle-ci l’avait regardé s’enfuir sans même chercher à le suivre.

« Vieux con raciste. »

Elle tira une latte sur sa clope avant de tendre son paquet au mutant pour lui proposer une cigarette.

« Mais tu m’as fait perdre un client, alors j’espère que t’as sur toi plus de fric que pour payer un verre… »

Et sur ces mots, elle pénétra à l’intérieur du bar, entrainant Mikhaïl derrière elle.

L’endroit était bien loin de l’ambiance ouvrière d’autrefois. Une musique rythmée et répétitive battait dans une pièce sombre, éclairée de néons mauves et roses, et de lumières colorées assez vulgaires. Des strip-teaseuses peu habillées dansaient sur certaines tables, ou sur le comptoir. Mikhaïl remarqua cependant assez aisément une évidence : elles étaient toutes mutantes. L’une avait la peau fluorescente, et une autre avait les yeux entièrement rouges. Une troisième, la plus proche, était munie d’ailes de papillon, et se trémoussait lascivement devant les yeux ahuris d’une tablée masculine. Les clients, eux, n’avaient rien de spécifiques. Ils n’étaient pas mutants, ou en tout cas, ils ne semblaient pas l’être.

La fille amena Mikhaïl jusqu’au comptoir, où un barman à tête de lézard leur proposa à boire :


« Qu’est-ce que je vous sers ? Déjà de retour, Laïla ? »

Sa voix était rauque et basse. La fille répondit aussitôt.

« Ouais, ce jeune homme s’est senti insulté lorsque le père Vicovitch l’a traité de monstre… »

Le barman soupira, et se tourna vers Mikhaïl.

« T’es pas du coin, toi… T’es mutant ? Comment tu t’appelles ? »

Face aux dernières paroles du vieil ouvrier, Mikhaïl ne put s'empêcher de se retourner en levant avec conviction un majeur fort et hautain.

" Pousse pas ta chance, gras double !"

Après avoir pris la cigarette offerte, il remercia la charmante blonde dans un murmure et eut un sourire crispé lorsqu'elle évoqua ses finances. Non seulement ses derniers roubles allaient y passer, mais il allait en plus devoir négocier une belle ristourne pour s'en sortir.

Lorsqu'ils entrèrent dans le bar, le jeune russe fut partagé entre le soulagement et la tristesse. Il s'était trompé, et le vieux con raciste n'était qu'une erreur dans cet environnement de mutantes, toutes plus agréables les unes que les autres à regarder. Mais le bar de quartier avait bel et bien laissé la place à un bordel... Qui avait son charme cela dit, si l'on appréciait les boites de strip-tease électro et kitsch. Il se laissa entrainer par la prostituée, ne quittant pas de ses yeux curieux le lézard encapuchonné pendant la conversation. Il avait tendance à penser qu'on ne pouvait jamais faire confiance à quelqu'un avec une sale gueule ; mais celui-ci était barman. Les barmans sont toujours des hommes de confiance. Mikhaïl haussa un sourcil ironique.

" Pas du coin ? J'habitais déjà ici quand la barbe de Vicovitch ressemblait pas à un balai à chiottes albinos... Ce connard bossait avec mon père à l'usine, à côté. " Il tira une longue bouffée. "Mutant ? Appelez ça comme vous voulez, disons seulement que je sais faire quelques trucs pas très courant... "

Le russe regarda sa cigarette, utilisant son pouvoir pour la faire se tortiller lentement, serpent de papier à la tête flamboyante. Il se tourna de nouveau vers le reptilien.

" Mikhaïl, au fait. Enchanté. "

Il ne tendit pas la main, appréhendant le contact de la peau écailleuse. Laissant son regard dériver sur les strip-teaseuses autant que sur le décor, il finit par jeter un coup d'oeil sur la carte, et retint une grimace en voyant les prix.

" J'vais te prendre deux vodka poivre. Ça fait longtemps que c'est ouvert ici ? "

Machinalement, le barman servit deux shooters de vodka-poivre, tout en répondant à Mikhaïl.

« Ici ? Un bail, ouais. Mais ça n’a pas toujours été comme ça. Ça fait qu’un an que je suis là, moi. J’sais pas trop qui me précédait. Le patron aime pas parler de tout ça. »

Il posa les deux verres devant Mikhaïl, et poursuivit.

« C’était pas une bonne idée d’te mettre dans le collimateur de Vicovitch, petit. Il n’est pas homme à se laisser faire bien longtemps. Et… ce n’est plus vraiment l’ouvrier que tu as dû connaître autrefois. C’est un homme riche et influent par ici. Il a su faire les bons placements, si tu vois c’que je veux dire… »

Drogue, trafics d’armes, de caviar, de vodka… et même de mutants. C’était une rumeur courante, en Russie. Rien d’officiel, bien évidemment… Mais le gouvernement soviétique devait toucher sa part.

« Prépare-toi à de la castagne en sortant d’ici… »

La jolie prostituée intervint alors :

« S’il se barre tout de suite, il a peut-être une chance de fuir Vicovitch… Peut-être. »

« Peut-être… »

Il se tourna vers toi à nouveau.

« Fais comme tu le sens, tu es le bienvenu ici. Tu peux même y passer la nuit, si ça t’chante. C’est pas comme si on fermait tôt. »

Mikhaïl eut une légère moue et laissa ses yeux se perdre dans le verre pendant la tirade du barman. Il avait décidément le don de se mettre à dos les mauvaises personnes... Ou de tomber sur les mauvaises personnes. Le truc certain, c'est qu'il n'aurait jamais pu prévoir ce que Vicovitch deviendrait. Son regard s'assombrit. Cet enfoiré avait du commettre de belles saloperies, pour prendre du grade aussi rapidement. La mafia appréciait rarement les opportunistes.

" Merci pour les conseils et l'invitation, j'ai pas souvent le droit à autant de solidarité. Za zdorovie ! "

Il trinqua avec la jeune fille et but. Partir encore serait une solution, mais cela faisait trop longtemps qu'il ne faisait que fuir. Il était déjà grillé à Saint-Pétersbourg, inutile de rajouter une ville sur la liste. L'autre possibilité était d'affronter l'ancien ouvrier et ses sbires s'il revenait ; et ce dernier pouvait avoir une petite surprise... Même usé par la faim et le froid, ce qu'il y avait sous son apparence de clodo pouvait étonner.

" J'vais rester encore un peu. Si Vicovitch se pointe, tant pis pour moi... ou pour lui. J'ai eu affaire à pire. Tiens moi juste au courant si tu vois quelque chose. "

Il ne lui restait plus qu'à profiter de sa soirée en attendant, quitte à passer la nuit ici. Ce qui aurait pu être prometteur avec la présence de Laïla, même s'il ne se faisait guère d'illusion sur ses chances. Il se tourna vers elle.

" Ça fait longtemps que tu bosse ici, toi ? "

La phrase était dit sans ironie ni méchanceté, simple question de curiosité.

La fille souleva son verre et le but d’une traite. Derrière son comptoir, le barman écailleux en fit de même. Laïla répondit presque aussitôt à la question du mutant.

« Ça fait trois mois… Depuis que mes parents ont découvert mon pouvoir et m’ont chassé de chez eux. Sans argent ni logement, je n’avais plus de quoi poursuivre mes études et… il a bien fallu trouver du boulot. »

Alors qu’elle racontait brièvement son histoire, le lézard attira l’attention du petit couple.

« Hé, je crois que ça va chauffer ! Mec, essaie de pas foutre trop le bordel dans le bar… »

En effet, à l’entrée, le barbu était revenu. Et il n’était pas seul… Deux flics en uniforme étaient avec lui, et brandissaient des matraques. Le genre de flics qui ressemblaient plus à des bandits qu’à des forces de l’ordre. Sans sommation, sous l’ordre de Vicovitch, ils s’avancèrent vers Mikhaïl, prêts à le frapper de leurs armes.

Laïla se tourna vers eux…

« Merde. »

Elle se leva, et se recula… Elle n’avait pas envie d’être passée à tabac. Ni que sa « carrière » soit compromise par une défiguration dans les règles de l’art.

Mikhaïl écouta la courte histoire de la prostituée en pensant aux milliers de jeunes qui devaient être dans le même cas qu'elle. Les gens ne comprendront jamais la connerie qu'ils faisaient en repoussant ainsi tout mutant, quel qu'il soit. Mais l'histoire était riche en racisme, génocide, systèmes de castes et autres... Difficile de changer la nature humaine.

En tout cas, il avait chaud au coeur, et ce n'était pas seulement grâce à la vodka. C'était la première fois depuis longtemps qu'il se sentait véritablement à l'aise, au milieu de gens comme lui ; des parias dans un monde qui les refusaient pour ce qu'ils étaient. Dommage qu'il ne soit pas venu ici plus tôt... Partagé entre l'envie stupide de serrer dans ses bras la jeune fille et le besoin partager ses propres expériences, il fut interrompu par le barman, ses yeux en amande fixés sur l'entrée. Des emmerdes. Le jeune russe grimaça une excuse.

" Va le dire à eux plutôt. Putin de flics véreux. Je t'emprunte ça. " Il attrapa la bouteille de vodka par dessus le comptoir. " Leïla... Ravi de t'avoir connu, au plaisir, et désolé pour les emmerdes. "

Pas question qu'il se laisse tabasser par deux flicards pourris, surtout sous les yeux de Vicovitch. Il pesta intérieurement. Tout ça à cause de sa grande gueule... Mikhaïl banda ses muscles et se concentra. Il allait briser ces deux armoires, et s'occuper de Vicovitch, quitte à y laisser ses dents. Dès qu'ils furent à quelques mètres, le russe utilisa son pouvoir pour projeter la bouteille avec force dans le visage du premier policier, puis il attrapa son tabouret pour l'écraser sur le deuxième, se préparant à lutter avec si cela ne suffirait pas.

Le premier policier se ramassa la bouteille en plein front, et il chuta en arrière dans les bris de verre, assommé. Le second leva les bras pour éviter le coup de bouclier, mais se le prit quand même. Ses bras amortirent le choc, mais il avait été obligé de lâcher sa matraque. De son côté, Vicovitch pestait.

« Sale monstre ! Rha, vous ne devriez pas exister ! »

Il sortit de son lourd manteau une grenade à fragmentation. Le genre qui faisait beaucoup de dégâts. Il la décapsula, et sans l’ombre d’une hésitation, la lança sur le sol du bar, dans la direction de Mikhaïl. Toute la salle était paralysée sous cette vision, alors que Vicovitch quittait le bar par la porte sans plus tarder.

Ce fut Laïla qui intervint la première : son bras s’allongea soudainement, et elle s’empara de la grenade, pour la lancer vers les fenêtres. Hélas, les rideaux qui les couvraient l’empêchèrent de les traverser et elle retomba par terre… pour exploser presque aussitôt. Au moins l’avait-elle éloignée de Mikhaïl, et d’elle-même…

L’explosion fut terrible. Les fenêtres explosèrent, les tables avec, et les clients et prostituées présents furent balayés. Le souffle alla jusqu’au comptoir, faisant choir Laïla, le flic et Mikhaïl sur le sol, alors que les débris volaient partout autour d’eux. En bois, en métal… Derrière son bar, le lézard baissa les yeux vers son ventre, tout en bavant du sang… Il venait d’être transpercé de part en part par un pieu de bois. Tout comme le flic qui menaçait Mikhaïl l’instant d’avant, et qui l’avait protégé de la projection, finalement…

Mikhaïl trouva sur le corps du flic une arme de poing, un simple flingue de service, qu’il emporta avec lui. Une fois dehors, il fut aisé de repérer Vicovitch, au loin. Il marchait à vive allure, sur la mince pellicule de neige qui recouvrait encore le sol. Ses pas dans la neige étaient clairement identifiables, seules traces fraiches encore peu ou pas balayée par les petites rafales de vent frais. Il avait déjà pris une bonne avance, mais restait rattrapable.

Derrière le russe, une voix retentit. Laïla, blessée au visage, était sur le seuil de la porte.

« Non, Mikhaïl. Ne le suis pas. C’est une voie de haine et d’exil qui se fera à toi. Reste ici, reste avec nous, et reconstruisons le bar. »

Tout en sachant que Vicovitch le détruirait sans doute encore. Et continuerait son manège dépréciateur et fasciste.

Mikhaïl n’eut guère de difficultés à rattraper Vicovitch. Le vieillard n’avait pas l’endurance d’un jeune homme en pleine forme… Le vieux ne se retourna même pas pour voir le mutant lui tirer deux balles dans les genoux. Il s’effondra sur le sol en hurlant de douleur, après avoir vainement tenté de presser le pas pour s’enfuir.

« Haaa… Crevure, sale monstre ! Je maudis les tiens, tous ! Vous finirez par disparaître, erreurs de la nature ! ça a déjà commencé ! Vous disparaitrez tous de la surface de la planète ! Aaah… »

Il se tenait les genoux, un rictus douloureux collé sur son visage. Et puis, il commença à rire… Comme un fou.

Et le mutant en apprit bien vite la raison : le bar, derrière lui, explosa littéralement. Pas sous l’effet d’une simple grenade, mais comme s’il avait été truffé d’explosifs. Plus rien ne vivait, désormais, dans ce troquet. Le bâtiment lui-même avait été réduit à néant. Avec Laïla…

Le souffle de l’explosion se fit sentir jusqu’à eux, alors que Vicovitch riait en crachant du sang…

Vicovitch mourut en souffrant terriblement, étouffé par la chaussure du mutant. Il n’avait pu se défaire de l’étreinte de la mort, et avait emporté dans sa tombe la haine d’un départ violent. C’était l’unique point positif sue Mikhaïl pouvait retirer de son acte. Un monstre était mort. Un monstre de colère et de mépris.

Lorsqu’il retourna sur les lieux de l’explosion, il n’y avait plus rien. La neige alentour n’était plu, et les murs étaient effondrés. Les cadavres éparpillés se mêlaient aux débris, écœurante vision d’un saccage organisé, d’un crime odieux et prémédité. D’un génocide entamé. Nulle trace de la mutante élastique… ni du lézard barman.

Vicovitch avait quelques grosses coupures russes, dans son portefeuille. Mais aussi des dollars en grand nombre. Des dollars américains. Sa carte d’identité, bien sûr, et quelques cartes de banque. Il y avait aussi une carte, avec un numéro de téléphone. Un nom avait rapidement été griffonné au crayon : « Béluga ».

Mikhaïl trouva sans problème sa cabine téléphonique, à une grosse centaine de mètres de là. Un vieux machin qui avait toujours été là. Il introduisit sa monnaie dans l’appareil, et attendit le temps de quelques sonneries, avant qu’une voix féminine ne lui réponde en anglais, avec un fort accent américain. Texan, même.

« Secrétariat du Président Lewis Beluga, j’écoute ? »

Le téléphone crépitait. L’appel n’était pas de bonne qualité, et il y avait de la friture sur la ligne. Un appel longue distance… Très longue distance.

Il y eut comme un silence un peu prolongé, après l’intervention de Mikhaïl. Puis, la voix lui répondit à nouveau :

« Qui êtes-vous ? Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. »

Elle resta cependant en ligne. Elle attendait ta réponse.

Un nouveau silence. Plus long, cette fois. Puis, la voix féminine retentit à nouveau. Elle semblait légèrement irritée.

« Qui êtes-vous, monsieur ? »

Elle ne laisserait pas passer la question…