[Courtier Anna Preston] Busan - Corée du Sud / Une journée comme les autres

Le jour était levé depuis quelques heures déjà et Anna se réveillait à peine, comme tous les matins. Bien sûr, il aurait été de bon ton qu'elle se levât plus tôt, qu'elle fût prompte à aller embaucher à l'heure, mais elle n'avait cure de tout ça. Ce poste de directrice, elle l'avait obtenu après mainte magouilles, après plusieurs habiles manipulations d'hommes importants, n'hésitant jamais à faire "don de sa personne" et elle savait pertinemment que son emploi ne serait jamais menacé. C'était donc sereinement et sans se presser qu'elle se préparait. Se maquillant, revêtant une robe noire sexy sans être vulgaire et c'est une heure plus tard qu'elle se décida enfin à se rendre à son bureau.

Dans la rue, la mutante se délectait du regard des hommes, car c'est cette étincelle dans leur yeux, cette passion, cette envie qui avait permis à Anna d'arriver aussi loin, c'est l'effet qu'elle faisait aux hommes qui lui donnait un avantage certain et elle le savait, en profitait pleinement. Arrivée sur son lieu de travail, elle ne pris même pas la peine de saluer Jun, sa secrétaire et elle alla s'asseoir derrière son bureau pour...ne rien faire. A dire vrai, elle n'avait pas vraiment les compétences requises pour un tel emploi, mais peu lui importait, car elle trouvait toujours quelqu'un de qualifié pour faire les choses à sa place, sans oublier d'en prendre tout le mérite.

Comme tous les matins elle regardait par la fenêtre de son bureau, méprisant intérieurement les gens marchant dans la rue. Toutes ces personnes travaillant dur pour gagner un maigre salaire, elle ne pouvait s'empêcher de les trouver ridicules, incapables, sans autre utilité que celle d'être utilisés, tels des...esclaves.

Appuyant sur une touche de son téléphone pour communiquer avec "son imbécile de secrétaire" comme elle aimait la nommer intérieurement, elle invectiva cette dernière.

"Jun, vous croyez que mon thé va se faire tout seul ?! Dépêchez-vous un peu !"

Quelques courtes minutes plus tard, la secrétaire se présentait à la porte d’Anna Preston, munie d’un plateau de thé aux arômes délicats. La pauvrette n’était pas encore habituée à sa patronne. C’était, il fallait le préciser, au moins la 5ème du mois, qui n’en était même pas à la moitié. Jun salua en entrant, d’un air ennuyé.

Elle s’avança et posa le plateau d’argent sur la table, tout en saisissant la théière pour commencer à servir le thé avec application. Mais elle tremblait. Et finalement, elle se lança.

« Madame Preston, un… homme vient vous voir, aujourd’hui. Je lui ai dit que vous ne receviez personne, mais il a… insisté. Il sera là d’une minute à l’autre. »

Elle se sentait coupable de ce manque de fermeté, mais visiblement, l’homme avait été plus convainquant que la peur que lui inspirait sa patronne. Une fois le thé servi, elle recula d’un pas, la théière en main, attendant une réponse avant de filer au plus vite, sans doute.

Lorsque Jun entra dans le bureau d'Anna, cette dernière ne put s'empêcher de fixer la secrétaire, de manière hautaine, comme si, et c'est bien comme ça qu'elle considérait Jun, la jeune femme n'était qu'un objet facilement remplaçable.

"Enfin! On peut pas dire que vous soyez une rapide vous!"

Alors que Jun versait le thé, sa patronne continuait de la fixer, attendant la moindre petite erreur de sa part pour déchainer sa colère, faire étalage de son mépris, mais ce ne furent pas les actes, mais bien les propos de la secrétaire qui firent entrer Anna Preston dans une colère noire.

"Jun, vous êtes une incapable! A quoi servez-vous ?! Je me le demande! Vous n'êtes même pas fichue de congédier un homme! Il semblerait que vous ne teniez pas vraiment à votre emploi, enfin, débarrassez-moi le plancher sur le champ. Votre incompétence est sans égal!"

Anna Preston était certaine d'avoir un contrôle total sur sa secrétaire et elle trouvait vraiment étrange qu'elle lui eût désobéi. Qui pouvait bien être cet homme qui tenait à voir Anna ? Que voulait-il ? La mutante se posait tout un tas de questions, mais n'était pas vraiment inquiète. Elle se savait capable de faire faire n'importe quoi aux hommes et celui-ci, peut importe qui il était, n'échapperait pas à la règle. S'asseyant de manière un peu plus professionnelle, elle fit semblant de pianoter sur les touches de son clavier d'ordinateur en attendant l'arrivée du mystérieux visiteur.

Jun parvint à retenir les larmes qui emplissaient ses yeux assez longtemps, somme toute. Même si sa petite lèvre tremblotait au rythme des semonces de sa patronne. Lorsqu’elle sortit de la pièce, elle ne put s’empêcher un sanglot, qu’elle refoula en fermant la porte…

Qui se rouvrit peu après. Un homme entra, dans un costume noir strict. Il avait un certain âge, sans être qualifié de vieillard, et ne semblait pas être un rigolo…


Il salua brièvement Anna en se penchant sommairement vers l’avant, avant de se présenter d’une voix stricte.

« Gim Gippeum, courtier et mandataire de l’un de vos clients étrangers. »

Il s’approcha du bureau, et précisa un peu sa demande.

« Mon client aimerait investir de fortes sommes, et se posait la question de la politique de votre banque concernant le secret sur ces fonds privés. »

Anna n'avait que faire des états d'âmes de sa secrétaire, ou plutôt, elle se délectait de l'entendre sangloter brièvement. Pas de pitié pour les faibles, telle était l'une de ses devises. Mais c'est alors qu'entra le fameux homme. Probablement dans la cinquantaine, il avait le regard dur et semblait ne pas être là pour plaisanter. En le voyant, Anna ne put s'empêcher de jubiler en son for intérieur. Les hommes comme ce Gim Gippeum étaient du genre à considérer que les femme n'avaient rien à faire dans le domaine des affaires. Dans le cas d'Anna, c'était plutôt vrai, car elle n'y connaissait fichtrement rien, mais si elle avait gardé son poste aussi longtemps, c'est bien parce qu'il y avait une bonne raison. Oui, des Gim Gippeum, elle en avait rencontré pas mal et c'est en jouant son rôle de directrice avec un certain talent qu'elle s'adressa à son client. Son ton était neutre.

"Asseyez-vous je vous en prie, Anna Preston pour vous servir."

Ce faisant, elle montra de la main, un fauteuil confortable en face de son bureau.

"Je vais être honnête monsieur, tout dépend de ce que vous entendez par "fortes sommes", mais sachez qu'ici, nous faisons tout pour répondre aux exigences de nos clients les plus généreux."

Elle arbora un petit sourire charmeur.

Répondant par la positive à l’invitation de la jeune banquière, l’homme s’assit dans le fauteuil en croisant ses mains sur le bureau, très professionnel. Il continua de parler d’un ton neutre et strict.

« Nous parlons ici de plusieurs millions de dollars, sur le long terme. »

Puis il se tut, tout net. Il était clair que ce type de demande couvrait certainement quelque chose de légèrement frauduleux. Vraisemblablement du blanchiment d’argent… mais qui pourrait, aux dire du mandataire, rapporter gros à la banque. Il attendait visiblement une réponse à sa première interrogation, suite à cette précision.

Anna eut du mal à garder une expression neutre lorsque l'homme évoqua les millions de dollars en jeu, mais pourtant, elle ne se démonta pas et continua son petit manège.

"Écoutez, je m'occuperai moi même de ce placement, et je ne laisserai rien filtrer, mais sachez une chose, je joue gros en vous proposant ça. Je risque ma place."

Bien évidemment c'était un mensonge éhonté, elle comptait refiler le dossier au premier péon venu capable de s'en charger, un homme dé préférence sur lequel elle aurait un parfait contrôle, ne risquant ainsi pas, ou presque, que quelque chose soit découvert.

"Mais si ma proposition vous intéresse, j'aimerais savoir ce que je pourrai y gagner, si vous voyez ce que je veux dire."

Sur ces mots, elle lança un regard lourd de sens à Gim Gippeum, montrant de ce fait, qu'elle espérait bien recevoir des avantages, financiers ou autre.

Les sourcils de l’homme se froncèrent légèrement à la première intervention d’Anna. Et plus nettement à ses secondes paroles. Sans plus attendre, il se releva de son siège, sévère.

« N’importe quelle banque gérée avec intelligence aurait vu dans cette proposition une opportunité d’enrichissement suffisamment grande pour demander davantage. Désolé que nous n’ayons pu nous entendre, mademoiselle Preston. »

Il la déshonorait, en parlant de la sorte. Il insultait très clairement la gestion d’Anna sur sa banque, tout en gardant le même ton professionnel. Dans le monde financier, il fallait savoir être un requin. Et Anna n’avait sans doute pas montré les dents suffisamment pour satisfaire son client. Gim Gippeum fit quelques pas vers la sortie du bureau, et posa la main sur la poignée, tout en saluant Anna.

« Bonne journée, mademoiselle Preston. »

Et il ouvrit la porte…

L'homme ne réagit pas aux propos d'Anna comme cette dernière l'avait espéré, mais elle ne s'en formalisa pas pour autant, car elle savais comment réagir. Bien sûr, au fond d'elle naissait tout de même un début de colère, mais pour le moment, elle parvenait à la contenir. Et c'est sur un ton calme qu'elle s'adressa à Gim Gippeum quand il ouvrit la porte.

"Attendez. Pouvez vous me dire quel genre d'homme d'affaire est suffisamment stupide pour s'énerver parce qu'on ne lui soutire pas assez d'argent ?"

Elle ne voulait qu'une chose, piquer Monsieur Gippeum dans sa fierté, lui prouver son infériorité pour qu'il revienne s'asseoir et que la discussion puisse reprendre. Anna n'avait que faire des intérêts de la banque, seuls les siens comptaient et elle ne voulait pas rester Directrice de cette banque ridicule toute sa vie, non, elle voulait plus, bien plus.

L’homme à la porte resta imperturbable. Il se tourna une dernière fois vers Anna, et dans un sourire froid et sans aucune amabilité, répéta :

« Bonne journée, mademoiselle Preston. »

Et il s’en alla en fermant lentement la porte derrière lui. L’instant d’après, Jun entrait dans la pièce, non sans avoir y frappé préalablement. Elle avait les yeux rougis de pleurs, mais avait tenté de le dissimuler derrière un sourire poli.

« Tout va comme vous voulez, madame ? Vous faut-il quelque chose ? »

L'homme ignora complètement l'attaque verbale de la directrice et quitta le bureau sans oublier de souhaiter une bonne journée à Anna. Une bonne journée ? Non, cette journée commençait très mal et était tout sauf bonne. LA colère s'empara alors de la mutante, elle ne supportait pas essuyer un tel échec, ce n'était pas dans ses habitudes. Et c'est alors que Jun entra dans le bureau et même s'il fallait avouer qu'elle tombait plutôt bien, Anna ne put s'empêcher de lui répondre sur un ton assez violent.

"Pour une fois vous tombez bien! J'ose espérer que cette fois vous ferez bien votre travail, même si je ne suis pas dupe. Cet homme, ce Gim Gippeum, il ne doit pas sortir de cette banque. Appelez la sécurité et dites leur de trouver n'importe quoi pour le retenir. Ensuite je veux que vous trouviez pour qui il travaille, vite. Je sais que la rapidité n'est pas votre fort, mais si vous ne voulez pas vous retrouver au chômage, vous avez intérêt à vous surpasser. Compris ?!"

Donnez des ordres, Anna aimait ça, mais même si elle était vraiment frustrée d'avoir échouer, il était hors de question qu'elle bougeât le moindre doigt. Elle n'en avait pas envie, et elle devait l'admettre pour le moment, elle ne savait vraiment pas quoi faire pour rattraper la situation.

La jeune secrétaire sortit du bureau en précipitation, et partit à la recherche de l’homme qui venait de quitter le bureau d’Anna. Il était écrit qu’elle ne devait plus revenir. Juchée sur des talons hauts, et tellement prise dans la précipitation qui lui permettrait de préserver sa place, peut-être, elle se tordit la cheville dans les escaliers et chuta sévèrement…

L’homme d’affaire eut nettement le temps de partir, avant qu’Anna ne se rende compte des cris de Jun, dans la cage d’escaliers. Le reste de la journée fut banal et monotone, si l’on exceptait la venue de l’ambulance pour chercher Jun (à ses propres frais, bien entendu).


Le lendemain, Anna eut une surprise étonnante en entrant dans sa banque : un camion de déménageurs était planté juste devant, et des ouvriers zélés embarquaient dans celui-ci… le mobilier de son propre bureau. Quelque chose clochait, à n’en pas douter.

Anna ne bougea pas d'un pouce, ne fit rien d'autre que de regarder sa montre, guettant l'heure à laquelle elle pourrait rentrer chez elle. Elle ne fit rien du tout non plus quand elle entendit des bruits sourds dans le couloir, pas plus que quand elle entendit l'ambulance emmener sa secrétaire, ou plutôt si, à ce moment, elle pensa une chose. Quelques mots représentant bien sa personnalité *Je vais devoir me trouver une autre secrétaire...Et de cinq!*

Puis les minutes passèrent, ainsi que les heures et quand la montre d'Anna indiqua seize heure pile, cette dernière n'étais déjà plus dans son bureau, à dire vrai elle n'était même plus dans le bâtiment. Pour tout dire, ) seize heure et deux minutes, la belle mutante était déjà chez elle, repensant à l'étrange homme d'affaire qu'elle avait vu quelques heures auparavant. Ce Gim Gippeum lui avait résisté, et elle ne le supportait pas. Une partie de son mobilier en fit d'ailleurs les frais et se retrouva vite en morceaux, mais elle ne pouvait se contenir, sa colère était trop grande tant et si bien que quand la tension retomba, elle s'endormit d'épuisement.


Le lendemain matin, ou plutôt midi, commençait comme tous les autres jours. Anna se rendait à son bureau avec la ferme intention de ne rien faire d'autre que de trouver une nouvelle secrétaire à martyriser, mais ces sombres idées furent vite, très vite stoppées quand son regard se posa sur une bande de déménageurs. En temps normal, elle ne regardait les sous hommes que pour les mépriser, mais là, ce qu'elle vit la fit démarrer au quart de tour. Ce tas d'incapable était en train de déménager ses affaires. Son bureau avait été vidée et elle ne savait pas pourquoi. Dans sa colère, elle ne fit pas vraiment attention à ses doigts qui se crispaient, prenaient des positions "inhumaines" et elle s'empressa d'aller vers les déménageurs.

"Que faites-vous ?! Je vous ordonne d'arrêter tout de suite tas d'incapables!"

L’ouvrier le plus proche venait de balancer la superbe chaise de bureau d’Anna dans le camion sans la moindre considération, brutalement. Il se tourna vers la mutante sans remarquer ses doigts. Il avait près d’une tête en plus qu’elle.

« Ah, vous devez être la patronne. Le boss a dit que vous réagiriez comme ça. Alors il a dit que j’devais vous envoyer à lui, dans votre bureau. »

Et sans plus de considération, il prit une seconde chaise, le fauteuil dans lequel s’était assis Gim Gippeum la veille, et la balança aussi violemment dans le camion.

Sans aucun ménagement, ses affaires étaient jetées à l'arrière d'un camion. Sans aucune réelle politesse, on lui répondit et lui intima de se rendre dans son propre bureau. Etait-ce toujours le sien ? Toujours était-il que ce fut sans aucune courtoisie qu'elle répondit au déménageur.

"Tu me le paieras larbin!"

Elle se calma un instant, ses doigts reprirent une aspect normal et elle monta les étages du bâtiment toute hâte. Se répétant à voix haute, de plus en plus fort, en se rapprochant de son bureau "Qui a osé ?! Qui a osé ?!". Et c'est sans aucune délicatesse, le visage embelli par la colère que Anna décida d'entrer dans SON bureau, pour bien faire comprendre qui était la patronne.

Sitôt qu’elle fut entrée dans son bureau, Anna fut encadrée par deux mastodontes typés gardes du corps, costume sombre, cravate, lunettes de soleil à l’intérieur et écouteur à l’oreille. Le cliché, quoi. En plus, ils étaient énormes, et visiblement plutôt musclés. Si le déménageur avait paru imposant, ceux-ci l’étaient carrément.

Et dans cette pièce désormais vidée de tout son mobilier, un homme se tenait debout, face à la fenêtre, dos à la porte. Un homme doté d’une silhouette qui rappela quelque chose à Anna. L’homme se retourna vers elle à son entrée bruyante, avec un petit sourire mesquin collé au visage.

« Ah, mademoiselle Preston, je vous attendais. »

C’était Gim Gippeum. Il perdit tout de go son sourire pour afficher son air professionnel.

« Moi, j’ai osé. Mon patron, plus exactement. Ayant jugé bon, suite à mon rapport, de sauver votre banque d’une faillite évidente avec vous à sa tête, il a acheté une grosse majorité des parts de votre entreprise, ce qui a fait de lui son actionnaire principal. À ce titre, il préside désormais votre conseil d’administration, et m’a délégué ce rôle… »

Il laissa couler un court instant, pour que la mutante prenne conscience de ce que cela signifiait, puis… il énonça à voix haute ce que ça signifiait. Comme pour enfoncer le couteau.

« Plus tôt, alors que vous étiez encore absente, je l’ai fait se réunir pour statuer sur l’avenir de votre poste au sein de cette banque. Vos collaborateurs n’ont guère été durs à convaincre de vous évincer. Maintenant, s’il vous plait, veuillez quitter mon bureau. J’ai du travail, moi. »

Sa mine était sévère et fermée. Mais il jubilait à l’intérieur. Un requin. Un vrai, qui avait su mordre au bon moment.

En entrant dans son bureau qui comme elle le craignait, n'était visiblement plus le sien, Anna ne fit pas une seule seconde attentions aux deux gorilles gardant la porte. Non, son attention, toute son attention était sur un homme, CET homme, ce Gim Gippeum. C'était donc lui qui était à l'origine de toute ceci, lui, qui avait tout organisé. Elle ne pouvait en supporter plus. Il parlait, parlait, l'humiliant un peu plus à chaque mot, et elle était dans une colère noire. Ce qu'avait subit son mobilier la veille n'était rien, rien du tout comparé à ce que Gim Gippeum allait endurer. Elle avait "travaillé" dur pour avoir ce post et elle permettrait pas qu'on lui retire, comme ça, sans faire souffrir psychologiquement ou physiquement l'instigateur de toute cette mascarade.

"Je ne vais nulle part sale chien! Vous n'avez pas fini d'entendre parler de moi"

Et encore une fois, sous le coup de la colère, ses doigts prirent une position anormale, mais elle ne faisait plus attention à rien, la rage l'empêchait de penser à son statut de mutante, à le cacher, non, tout ce qu'elle voulait en cet instant, c'était la peau de Gim Gippeum.

Gim Gippeum répéta sobrement :

« Veuillez sortir, mademoiselle Preston. »

Et cette simple phrase fut considérée par ses chiens de garde comme un ordre sous-entendu. Les deux malabars lui agrippèrent les épaules pour la pousser, en leur compagnie, vers l’extérieur de la pièce, sous le regard attentif du nouveau patron…

Comment faisait-il pour être aussi calme, pour piétiner la vie de la belle Anna sans plus de délicatesse, non, il ne pouvait pas, il n'avait pas le droit! Anna ne le supportait vraiment pas et le contact des gardes du corps sur ses épaules fut sans aucun doute le goute d'eau qui fit déborder le vase. Ne voulant rien d'autre que son poing au milieu de la figure de Gim Gippeum, elle fit tout son possible pour se défaire de l'étreinte des deux gorilles, se tortillant dans tous les sens, utilisant son pouvoir sans crainte, sans se cacher. Une fois libérée, elle foncerait, oui, elle foncerait droit sur Gim, afin de lui faire ravaler ses paroles, afin de le mettre à genoux. La mutante supposait que l'homme d'affaire n'était qu'un simple humain, et cela ne faisait que décupler sa rage. Humilier de la sorte par un être inférieur, elle ne pouvait vraiment pas le supporter, il devait retourner à sa place. Il devait se prosterner!

Elle parvint à se dégager une épaule, mais aussitôt, les poings des deux gorilles s’enfoncèrent dans son ventre avec force, lui coupant la respiration. Ils raffermirent aussitôt leur prise, et Anna ne put aller plus loin dans son désir de vengeance. Gim Gippeum tira un revolver de sa poche intérieur, et le pointa vers la demoiselle sans changer d’expression.

« Cela suffit. Soit vous sortez de votre gré, soit éparpillée dans des sacs poubelles. Ma patience a des limites, mademoiselle Preston. Veillez que je n’aie plus jamais à vous croiser. Croyez-moi, vous le regretteriez. »

Nouvelle rebuffade des gardes du corps. L’un d’eux frappa à nouveau le ventre de la mutante, et ils la poussèrent vers l’extérieur de la pièce.

Manipulatrice, hautaine et sans pitié, mais pas stupide, loin de là. Anna avait bien compris qu'elle avait perdu la partie, qu'elle ne pouvait rien faire contre ce Gim Gippeum. Et la vive douleur qu'elle ressentit au ventre, sa respiration coupée et bien sûr, le revolver et les menaces de Gim Gippeum lui firent bien comprendre. Elle n'avait plus d'autre choix que d'obéir et de sortir du bureau, mais elle ne pouvait partir comme ça, entièrement humiliée, non, il fallait qu'elle fît, qu'elle dît quelque chose. Et dans sa tête quelques mots apparurent, simple, clair, précis, mais sûrement peu efficace.

"Vous me le paierez Gim Gippeum, je vous le garantis!"

Et l'instant d'après, elle fut jetée comme un déchet en dehors du bureau, ce même bureau qui était encore le sien, il y a 24 heures. Elle ne savait plus quoi faire, plus vers qui se tourner. Elle n'était plus que colère et haine, mais elle avait perdu, elle devait l'admettre. Sortant du bâtiment, elle commença à errer dans les rues, dans l'espoir de trouver un nouveau point de départ. Une nouvelle personne à manipuler. Elle devait tout reprendre à zéro, uniquement à cause de Gim Gippeum! Cet homme...elle ne l'oublierait pas de sitôt.

Alors qu’elle déambulait dans les rues, le regard d’Anna fut attiré par un petit tract agrafé sur une palissade de bois…


Signe du destin, ou simple hasard… C’était peut-être le moyen de prendre un nouveau départ.

Elle fulminait, rageait, mais n'y pouvait plus rien pour le moment, alors seule, elle marchait, sans vraiment savoir où aller, sans vraiment savoir que faire. Elle marchait jusqu'à ce que quelques mots sur un tract vinssent attirer son attention. "Post professionnel", "Indépendance des mutants", oui ces simples mots réussirent à soutirer un sourire à la belle coréenne, car voilà tout ce qu'elle recherchait. Mais comment rejoindre les ExistenZ, alors qu'elle se trouvait en Corée, un pays fort joyeux pour les mutants. Comment pouvait-elle aller aux états-unis ? Elle l'ignorait, mais instinctivement, elle se dirigea vers la gare, pour prendre le monorail, en espérant qu'on la laisserait passer la frontière sans trop de problème, et au pire, comme à son habitude, elle utiliserait ses charmes sans vergogne.

La gare ne posa aucun problème à Anna. Elle put embarquer sans peine dans le monorail qui la mènerait hors des frontières de son pays, via un tunnel sous-marin, dans la ville possédant une aérogare d’importance mondiale : Shangaï. Là, elle pourrait prendre un avion pour New York sans trop de souci.

C’est au cours du voyage dans cet interminable tunnel sous-marin que les hommes de la douane passèrent contrôler les identités. Ils étaient deux, et écumaient le wagon avec zèle. Dans quelques minutes, ils arriveraient chez Anna…

Anna marchait, lentement, vers la gare. De l'extérieur, elle paraissait détendue, mais elle ne devait cette fausse apparence qu'à l'habitude et aussi, au petit jeu mental qu'elle effectuait en ce moment. Rien de plus facile, il lui suffisait d'imaginer une personne qu'elle haïssait, et de lui faire subir mille souffrances mentalement. Bien évidemment, elle détestait presque tout le monde, mais à ce moment précis, alors que ses pas la guidaient automatiquement vers un nouvel avenir, une seule personne méritait d'être la cible de la cruauté d'Anna. Un homme, un seul. Le seul, ou presque, qui lui avait résisté, le seul qui avait été insensible à son charme, le seul qui avait osé utilisé la mutante, alors que d'ordinaire, c'était toujours l'inverse qui se produisait. Cet homme, c'était bien évidemment Gim Gippeum. Le scélérat à cause de qui elle avait tout perdu, le déchet qui la forçait à tout reprendre à zéro.

Une fois arrivée à la gare, elle s'empressa d'acheter son billet de monter dans le monorail qui allait la mener à Shangaï. Sans ménagement, elle monta, en bousculant tout le monde, en vitupérant contre les gens qu'elle venait de déranger. Elle s'installa et ce fut l'heure du départ. Les minutes défilaient et Anna n'en pouvait plus, elle ne supportait plus l'obscurité du tunnel sous marin. Et bien sûr, pour ne rien arranger, les douaniers arrivèrent. Anna était sereine, mais paradoxalement un peu inquiète. Elle était presque sûre que sa mutation était secrète, mais il n'est pas aisé de cacher ce genre de chose au gouvernement. Que pouvait-elle faire ? Rien, elle le savait. Elle ne fit rien d'autre que d'attendre l'arrivée des douaniers, ses papiers en main.