L'effet pommier

La traversée du vortex s'apparentait à la traversée d'un écran de fumée. Pas l'impression qu'il y avait quelque chose, mais au final, quand même d'une certaine façon. En tout cas, le décor avait immédiatement changé.

Première constatation : la journée était bien avancée, et le soleil haut dans le ciel. C'était perturbant, quelque part, si tôt le matin dans sa tête, de constater qu'en fait, il était près de 16h. So Jetlag.
Deuxième constat, ils étaient en pleine campagne, dans une sorte de vaste pré où poussaient de nombreux arbres : un verger de pommiers.

Mais au milieu de ces arbres, il y avait un spécimen assez particulier, assis et souriant sur une table en bois...


"Salut les gars ! Bienvenue en France !", lança Tim à ses invités.

Et un autre spécimen, à deux pas de lui.


"Bonjour !", se contenta-t-il se dire, avant de se tourner vers Tim. "Bon ben je retourne bosser moi. Bipe moi si tu as de nouveau besoin."
"Merci Arthur ! À plus !", répondit Tim avec un clin d'œil.

Un autre vortex s'ouvrit derrière Arthur, qui s'engouffra dedans, disparaissant de la scène, laissant Ava, Michaël et Grégoire seuls en compagnie du petit français qui sauta de sa table en bois.

"Ça me fait super plaisir que vous soyez là ! Histoire que vous ne soyez pas perdus, on est chez moi ici, dans mon verger. Ma maison est un peu plus loin, on va pouvoir marcher un peu. On est en Normandie ici, en France. Morgny la Pommeraie. C'est super d'avoir son verger. Comme ça je mange les pommes de chez moi, et elles ont vraiment pas le même goût que celles qu'on trouve dans le commerce.", il semblait particulièrement enjoué de cette visite.

"Alors, comment va la vie à New-York ? Je veux tout savoir !", tout en parlant, il ouvrit le chemin à ses invités, le long d'un petit sentier herbu.

Une fois le vortex traversé, Grégoire s'épousseta machinalement comme pour être sûr de n'avoir rapporté avec lui aucune de ses étranges fibres qu'il venait de franchir. Drôle de sensation.
Découvrant l'endroit dans lequel il avait atterri, il s'assura que ses compagnons étaient bien arrivés entier en France sans que Michael ne se retrouve avec la chevelure d'Ava ou que cette dernière n'ait récupéré dans le transfert des attributs ne lui appartenant pas.
Le français parcouru des yeux le décor idyllique dans lequel ils venaient d'être plongés, pour tomber sur Tim, son ami, à l'origine de cette invitation. Il lui esquissa un sourire et s'approcha de lui en invitant ses camarades à le rejoindre :

« Venez, je vais vous présenter Tim. »

Il s'approcha de ce dernier et lui tendit la main.

« C'est super cool de te voir ! La dernière fois, on s'est un peu vu en coup de vent. Comment vas-tu ? » Puis, se souvenant qu'il n'était pas seul, il se reprit : «  Je te présente Ava et... Michael, tous deux membres de Ganymède également. On a deux trois petites choses à faire tant qu'on est en France donc on va mêler l'utile à l'agréable. »

Le jeune homme qui semblait être à l'origine de leur voyage prit congé après avoir salué Tim. Son prénom rappela une conversation qu'il avait eue avec Jason quelques jours plus tôt : il tentait de rentrer en contact avec un Arthur qu'il connaissait. Soit ce n'était qu'une coïncidence, soit le monde était vraiment petit.

Grégoire écouta Tim leur présenter son verger, quelque peu dubitatif : la dernière fois qu'il l'avait vu, il était membre actif de Ganymède, pressé par un timing qui semblait ne lui laisser que peu de temps à la détente, surtout quand on s'occupe de la tournée de deux méga-stars de la chanson.

« Tu vas pas me faire croire que tu t'es reconverti dans la pomme », lança Grégoire, tout sourire.

« Eh bien en ce qui concerne New-York, les choses se mettent en place tranquillement. On commence a bien s'intégrer à Ganymède et à être pas mal demandés ! » commença t-il en accompagnant Tim sur le chemin. Il laissa les autres se présenter et faire connaissance avec leur hôte.

La proposition de Grégoire de l'accompagner en France, avec Michael, l'avait quelque peu surprise. Après tout, elle ne connaissait pas tant les garçons que cela, et pas du tout celui chez qui ils allaient. Toutefois, elle en avait été flattée et n'avait pas réfléchi très longtemps, appréciant bien le jeune français. Et, de toute façon, son petit doigt lui disait qu'il valait mieux tempérer les deux jeunes hommes car il y avait quelque chose entre qu'elle n'était pas certaine qu'ils veuillent voir retournée. Enfin... C'était son petit sixième sens, qui lui disait cela...

A l'heure dite, la jeune femme s'était donc rendue chez Grégoire, vêtue pour une fois très sobrement: un haut couleur chair pas trop décolleté, un jean, ses converses, une veste en jean, et un petit béret histoire d'ajouter une petite "french-touch". On ne pouvait, en effet, pas toujours être provocante et il vaudrait sans doute mieux rester discrète, en France... Le voyage par téléportation lui laissa une impression un peu bizarre, comme de traverser du brouillard, ou de la ouate, mais il fallait reconnaître que c'était nettement plus rapide et mieux pour la jeune femme qui était claustrophobe. Pas de risque, ainsi, de piquer une crise et pas besoin de piquer dans la sérénité de ses camarades pour voyager l'esprit libre. Arrivée, elle remercia leur "taxi" d'un rapide baiser sur la joue.

Ce n'est qu'alors que la jeune femme se rendit compte que, s'ils étaient partis tôt le matin de chez Greg, la journée était ici bien entamée, et qu'ils se trouvaient dans un verger. Regardant autour d'eux, elle avisa un jeune homme sur une table en bois. Ava l'observa sans vergogne alors qu'un autre type s'en allait: Arthur si elle avait bien compris. Silencieuse, elle écouta le babille de Grégoire et de son ami, jetant de temps à autre un regard à Michael. Etait-il aussi perdu qu'elle? Greg les présenta et l'empathe hocha la tête avant de dire un: "Salut" tout ce qu'il y avait de plus simple et de plus neutre avant d'ajouter à l'adresse de Grégoire: "Et pour c'qui est du vent, tu t'y connais plutôt bien..." elle ajouta un petit clin d'oeil à sa taquinerie tout en leur emboitant le pas.

Après avoir tu les moqueries de Jeremiah, qui avait remarqué les sorties que Grégoire et Michael avaient faites durant les dernières semaines, en précisant bien qu'ils étaient redevenus que de bons amis, Michael quitta Grove street les écouteurs sur les oreilles et prit la direction de la 73e rue. Il n'arrêta la musique qui jouait sur son téléphone -Volevo tutto sapere su amore, de Fierezza Rosa à cet instant- qu'une fois arrivé sur le palier devant chez Grégoire.

Peu après avoir fait la bise à ses deux comparses pour les saluer (aussi bien jouer le jeu de la France jusqu'au bout. Rien de plus, évidemment!), Michael vit , ou plutôt devina, l'apparition d'un vortex dans l'appartement de Grégoire. Il suivit les deux autres en s'étonnant de l'impression que lui avait faite le vortex. Avec les années, il s'était habitué à la sensation de mince écran liquide qui accompagnait l'utilisation de son pouvoir, mais cette fois, il ne put s'empêcher de se dégorger en apparaissant, les yeux plissés par la soudaine clarté, au milieu d'un verger.

Le temps que ses organes oculaires s'habituent, et Michael remarqua les deux jeunes hommes qui étaient un peu plus loin. L'un au sourire gamin, assis à même une table de pique-nique, l'autre semblant un peu plus pressé, qui les quitta aussi rapidement qu'ils étaient arrivés. Michael tenta tout de même de lui faire un signe vague de la main, pour le saluer et le remercier à la fois, avant de se tourner vers Grégoire, qui faisait les présentations. Passant sur l'hésitation de Grégoire au nom de l'Autrichien, celui-ci attrapa la main (oubliant sa francisation momentanée) de Tim et, dans un effort de politesse, répondit dans un français approximatif.

-Enchanté, Tim. C'est très choli par toi.

En effet, il avait l'impression que les mois de mai et de septembre étaient particulièrement succulents, l'un chargé de fleurs odorantes et l'autre de fruits sucrés. Michael bondit ensuite sur les traces du Français, à travers le petit sentier, en écoutant le dialogue et répondant à son tour, en anglais, de nouveau par politesse.

-La vie va très bien à New York, on s'y habitue wraiment rapidement. "Métro, boulot, dodo", comme on dit!

Craintif à l'idée d'avoir tué la conversation et qu'un silence s'installe, Michael enchaîna :

-Quand j'ai bien compris, tu es aussi un ancien de l'institut, correct?

"Du travail, encore du travail...", ronchonna-t-il sans trop de méchanceté par ailleurs alors que Grégoire parlait de deux ou trois choses à faire.

"J'ai effectivement fait partie de l'Institut, mais c'était il y a très longtemps.", répondit-il à l'Autrichien sur un ton laissant deviner sans peine qu'il n'en dirait pas plus sur le sujet et qu'il ne souhaitait pas le voir remis sur le tapis.

En tout cas, l'invitation en un lieu aussi campagnard semblait troubler Grégoire, et peut-être aussi Michael... Marchant le long du chemin, il commentait :

"C'est chez moi ici. Mon "vrai" chez moi en fait. Paris c'est bien, mais bon... Il y a tout le temps du monde, du bruit de l'agitation. Au moins, à la campagne, on peut se ressourcer, profiter du calme, manger des pommes..."

Le tableau avait effectivement l'air fort sympathique. Tim en revint néanmoins à des sujets qui fleuraient plus la vache normande que le verger en fleurs.

"C'est bien ça que vous ayez un peu creusé votre trou. Je pense que Wiseman est un bon patron, et je ne dis pas ça que parce qu'il est susceptible de nous écouter sans qu'on le sache.", il rit, puis continua, plus sérieusement.

"Donc, vous êtes ici pour affaires ? Moi qui espérais que vous seriez venus juste pour le plaisir de partager un bon moment... Mais bon. C'est Ganymède, je suppose qu'on ne peut rien y faire.", il semblait plutôt déçu, même si Ava pouvait se rendre compte sans trop de mal qu'il savait par avance que ça prendrait cette tournure là.

Surpris par la réponse de Tim, Michael en conclut toutefois que son expérience à Salem Center n'avait probablement pas été des plus agréable. Ou peut-être s'était-elle simplement mal terminée, comme pour d'autres élèves. Il jeta un regard rapide en direction de Grégoire, pour voir s'il attraperait le reflet d'un sombre souvenir dans sa pupille, mais ne distingua évidemment rien. Et tant pis pour l'approche en douceur du sujet central que Michael avait tentée. Aussi bien entrer directement dans le vif du sujet, d'ailleurs. L'Autrichien renchérit tout de même sur les paroles de Tim, quant à la joie d'être à la campagne, opinant violemment.

-Je suis tout à fait d'accord! Aussi merweilleuse que puisse être New York, je ne m'y sens jamais totalement chez moi, ni aussi serein qu'ici, par exemple...

Après tout, il était un garçon de plein air et de grand air!

Pour ce qui était de creuser son trou à New York, Michael était loin d'être certain qu'il y avait aussi bien réussi que Grégoire. Certes, il avait rencontrer d'autres membres de l'association, mais il ne s'était pour ainsi dire montré que très peu utile, jusqu'à présent. Ca ne l'empêcha tout de même pas de rire doucement à la plaisanterie du Normand sur son patron, avant d'entrer dans le vif du sujet.

-Je propose qu'on passe rapidement aux affaires, et ensuite on pourra partager un bon moment ensemble, qu'en dites-vous? Moi, j'adorerais! Sans attendre de réponses, qu'il jugea affirmatives de toute manière, Michael reprit presque aussitôt.
-On se demandait quand tu avais déjà entendu parler de la société FG Research and Technology? Ou encore quand tu savais où on pourrait trouwer des informations sur celle-ci...

Metro, boulot, dodo, à qui le dis-tu... songea Ava à la réponse de Michael à leur hôte. Oui, vraiment, c'était quelque chose qu'elle connaissait bien. Et pour quelqu'un qui, comme elle, avait abandonné tôt les études et s'était fait émanciper à 16 ans, cette routine avait quelque chose d'assez rassurant. Elle tiqua cependant lorsqu'il reprit la parole par la suite, sortant un 'quand' au lieu d'un 'si', mais ne dit rien. Après tout, la grammaire, ce n'était pas son fort et elle était visiblement la seule à l'avoir remarqué, puisque leur hôte, qui reprenait déjà la parole semblait ne pas s'en soucier.

La jeune femme fut, d'ailleurs, surprise de voir à quel point il pouvait être un moulin à paroles, ce type, même s'il refusait de parler de l'Institut. Institut qu'elle semblait d'ailleurs être la seule à n'avoir pas connu. Pas semblait d'ailleurs. Qu'elle était la seule à n'avoir pas connu. Est-ce que cela aurait changé quelque chose à sa vie, si elle y était allée quand ses pouvoirs s'étaient déclenchés? Honnêtement, elle s'en foutait. Ce qui comptait à ses yeux, c'était l'ici et maintenant. Depuis longtemps, elle avait pris le parti de vivre dans le présent, et c'était bel et bien ce qu'elle faisait. "Perso, la vie en ville m'convient tout à fait. Toujours en agitation. Surtout New York, qu'est la ville qui dort jamais..." répondit-elle avant d'ajouter: "Mais c'est marrant... On quitte la Grosse Pomme pour un champ d'pommiers..."

Finalement, Michael prit le parti d'entrer dans le vif du sujet lorsque le moulin Tim se fut tari. Ava put sentir la déception du français qu'ils ne soient pas là uniquement pour lui, ce qu'elle pouvait parfaitement comprendre, mais malheureusement, ils n'y pouvaient rien, eux quatre... "Comme dit Michael, plus vite on expédie l'boulot, plus vite on pourra passer un bon moment..." Elle laissa à l'autrichien la soin de commencer les questions, tiquant à nouveau à l'usage du "quand" et se pencha à l'oreille du germanophone "J'crois qu'tu voulais plutôt employer si" Elle reprit, à l'adresse des trois garçons: "Et aussi, si tu en as entendu parler, si tu savais où elle s'trouve..."

Les présentations faites, la glace avait été vite brisée entre les quatre jeunes gens qui se retrouvaient à marcher le long d'un petit chemin de campagne alors que des sujets plus importants étaient abordés. Lorsque Michael mentionna l'Institut, Grégoire se retint pour ne pas sauter sur l'autrichien et l'empêcher d'en dire davantage. Il ne souvenait pas lui avoir dit que Tim était un ancien de l'Institut t se demandait bien comment il l'avait su. Comme il le pensait, le sujet fut esquivé avec souplesse par le normand.

Un peu déçu, Tim comprit que leur arrivée était aussi motivée par des aspects plus professionnels. Un peu embêté, Grégoire tenta d'adoucir le trait lorsque Michael le devança pour entrer dans le vif du sujet... Il écouta le germanophone poser les questions qui gênaient le fondation en ce moment, vite rattrapé par Ava qui essaya, elle aussi, d'amener le français à dévoiler ce qu'il pouvait savoir.

Avant même que Tim n'eut le temps de répondre, Grégoire intervint :

« Oui, enfin, on a peut-être le temps de souffler avant de se mettre à la recherche de la société. Même si j'ai autant envie que vous de savoir ce qu'il en est. Peut-être que Tim a envie de nous faire un tour du propriétaire et... de nous présenter quelqu'un », dit-il en donnant un petit coup de coude à son ami.

« Mais au fait ! Ca s'est passé comment la tournée en Europe ? »

Ava put clairement sentir que Tim était contrarié par la façon de Michaël abordé le sujet, en sautant à pieds joints dans le plat tout en étant chaussé de sabots. Il tâchait néanmoins de faire bonne figure, même si son sourire du début s'était effacé. La tentative de Grégoire de remettre l'aventure glissante dans le droit chemin parvint néanmoins à lui faire afficher une moue plus ou moins dubitative, associé à une sensation de "reculer pour mieux sauter".

"La tournée se passe bien jusque là. Je me suis surtout occupé de leur faire traverser l'Atlantique, des visas, et tout ça. Après, d'autres personnes s'en sont chargé.", le ton sur lequel il annonça cette conclusion laissait clairement comprendre qu'il n'approuvait pas vraiment s'être fait retirer l'affaire.

En sortant du verger, on pouvait voir ce qui était uen sorte de pré, avec à une cinquantaine de mètres, une ferme normande typique avec de jolies boiseries, une grande cheminée... Un cadre bucolique et champêtre. Le ciel était bien dégagé, mais il y avait tout de même un peu de vent. Ne manquait plus qu'un mouton, ou une petite fille à tresses et taches de rousseur.

"C'est par là !", annonça Tim en pointant la bâtisse, avant d'expliquer. "Cette ferme était une vraie ruine ! On l'a rachetée avec Matt et retapée avec d'autres. Pas un chat à des kilomètres à la ronde. Et tout le confort moderne. Et tout ça, à une demi-heure de Paris en monorail !" Un petit nid d'amour idéal, ou bien l'endroit parfait pour se planquer en cas de besoin...

Tout en guidant le long du sentier dans le pré, Tim expliqua finalement.

"En fait, c'est curieux que vous me parliez de cette entreprise et de Nova Consortium, parce que j'avais aussi prévu de vous poser des questions par rapport à cela, suite à certaines découvertes que j'ai faites en épluchant de la compta.", il jeta ensuite un regard plein d'ironie à Michaël "Sauf que moi, j'avais prévu d'attendre le dessert."

En s'approchant de la ferme, on pouvait entendre et apercevoir quelqu'un en train de barboter dans une piscine extérieure qui avait été creusée dans le terrain.

Aborder immédiatement le point sérieux? C'était une mauvaise idée. Ava le sentit à la réaction de Tim aux propos de Michael. Et Grégoire aussi, visiblement, puisqu'il proposa de souffler un peu avant d'attaquer les choses sérieuses. Et c'était, visiblement, une bonne idée puisque Tim sermbla commencer à se détendre. Autant abonder dans le sens des français. Visiblement, c'était dans leurs gênes de tourner autour du pot. A nouveau, elle glissa à l'oreille de Michael: "J'crois qu'ils aiment tergiverser et blablater avant d'passer aux choses sérieuses...", puis elle ajouta à voix haute: "C'qui Matt et les autres?"

Ils se rapprochaient de la ferme, et un bruit de clapotis put se faire entendre. Tim n'était donc pas tout seul? "Rassure-moi... On arrive pas au milieu d'une réunion d'famille, quand même!" D'un autre côté, Ava avait bien envie de rencontrer ceux qui pouvaient vivre avec le français, bien qu'elle soit curieuse de savoir ce que cette compta avait dévoilé au jeune homme, mais... "Attendons l'dessert, vous avez raison. Après tout, on a quand même traversé un continent..." dit-elle avec un large sourire qui se voulait chaleureux à l'adresse de Tim.

"Vous vous êtes connus comment, vous deux, d'ailleurs?" demanda-t-elle en désignant les deux garçons.

Michael n’eut pas besoin du coup de coude de Grégoire, qui lui laissa une impression étrange, pour interpréter le faciès de Tim, qui n’affichait plus de sourire. Apparemment, leur hôte avait abordé le sujet du boulot pour une raison qui échappait à l’Autrichien, puisqu’il n’était manifestement pas très enjoué d’en parler plus longtemps… Sa mère avait aussi la manie de changer d’idée comme le vent, peut-être était-ce un trait latin. Ou alors c’était autre chose? La difficulté de comprendre son accent? Ava fit d’ailleurs une réflexion dans ce sens, à laquelle le germain répliqua d’un haussement de sourcil :

-Mais, c’est ce que j’ai dit!

Se massant le flanc par réflexe plus que par douleur, Michael ne comprit ce que Grégoire entendait par "présenter quelqu’un" que lorsqu’ils arrivèrent au grand pré où quelqu’un se baignait manifestement dans la piscine. Alors qu’il observait les environs en se demandait s’il devait classer la ferme parmi les 5 ou 10 meilleurs endroits où vivre, parmi ceux qu’il avait connus (la première position étant détenue par une hütte entourée d’un énorme Alm, quelque part dans les alpes), Michael écoutait distraitement la conversation entre Grégoire et Tim et, au ton de ce dernier, en conclut qu’il préférait éviter de nombreux sujets de discussion. Jaugeant la bâtisse du regard, le germanophone commenta, enthousiaste et désireux de se racheter :

Ça a dû être un travail colossal! Le résultat est génial.

Il déchanta toutefois bien rapidement et, à la pointe de Tim, Michael marmonna dans sa barbe.

-Éwidemment, gardons le meilleur pour la fin…

Puis il en vint à conclusion qu’ils étaient donc invités pour le dîner et, son estomac ayant conservé le souvenir très récent du petit-déjeuner, Michael espérait qu’il n’était pas prévu pour un avenir immédiat. N’ajoutant plus un mot, Michael se contenta d’écouter la discussion avec un intérêt modéré, les mains désormais dans ses poches.

Menés par leur hôte vers sa charmante demeure, ils comprirent qu'ils avaient été mis plus ou moins mis au vert par la fondation. Ce qui était sûr, c'était le fait qu'il avait l'endroit idéal pour passer des vacances méritées : un superbe cottage au milieu des prés, complètement réhabilité avec piscine en sus. La planque idéale, en quelque sorte.

Grégoire ne put retenir une expression de surprise lorsqu'il vit la maison. Il aimait la vie à New-York mais il était charmé par le ce décor idyllique que Tim leur avait fait découvrir depuis quelques minutes.

Grégoire n'avait pas relevé, ni dans son mail, ni à l'instant, lorsqu'il l'avait mentionné, qu'il ne connaissait pas ce « Matt » dont il parlait. Ceci dit, Ava se chargea de poser la question d'une manière assez directe, comme à son habitude. La sexualité de Tim n'avait jamais intéressé Grégoire outre mesure mais il devait bien avouer que depuis que ce Matt avait été mentionné, sa curiosité avait été stimulée.

Tim surprit l'auditoire en revenant sur la société qui taraudait la fondation visiblement, il avait lui aussi des questions sur son fonctionnement, ou du moins son existence. Avec une dernière pique pour Michael, Tim les informe que lui aussi avait découvert de petites choses : en espérant pouvoir mettre leur éléments en commun, peut-être parviendraient-ils à comprendre les vraies motivations de cette coquille vide derrière la boîte aux lettres.

C'est lorsqu'il se rendit compte qu'il n'avait rien dit depuis quelques instant que Grégoire se retourna vers Michael, les mains dans les poches et l'air bougon.

« Tu boudes ? », lui dit-il discrètement en se dégageant légèrement du groupe. « Faut pas, y'avait rien de méchant », reprit-il en lui passant la main derrière la tête et pour lui caresser amicalement l'arrière des cheveux, tout sourire.

« Tu nous présentes ? Et sinon, tu fais ton jus de pommes bio made in Tim ou... ? » le taquina Grégoire en retournant à côté de lui, le long du chemin.

Non non, je ne fais pas de jus de pomme... J'en ai de mon verger, mais je l'amène à un pressoir du coin, il faut des machines et tout. J'ai aussi du cidre. Et même du calva ! Je vous ferai goûter, vous allez voir.", répondit Tim à Grégoire, tout en lorgnant sur le geste d'intense proximité qu'il adressait à Michaël.

"Je vois que toi aussi tu fais des cachotteries ?", observa-t-il, sur le ton de la boutade, avant de répondre à Ava.

"En fait, je bossais pour Ganymède, j'espionnais la DNSMH, et le cousin de Grégoire a mis son nez dans des affaires troubles, et s'est retrouvé menacé. Grégoire a voulu y mettre son nez aussi, et je l'en ai dissuadé."

Tout en expliquant, ils arrivèrent aux abords de la ferme, sur une vaste terrasse en pierre claire où une table en bois exotique avait été installée, ainsi que quelques chaises et bains de soleil. Sur la table, de quoi goûter était installé, essentiellement des gâteaux sucrés en tous genres. Au bout de la terrasse, une piscine de dimensions appréciables et à la forme arrondie était creusée, avec quelques marches pour y entrer. Comble du luxe, une retenue d'eau dans l'arrondi de la piscine était dotée de ce qui était manifestement un jacuzzi.

Un gros poisson nageait dans la piscine, et s'interrompit quand la petite troupe arriva.


"Salut !", leur lança-t-il, laissant à Tim le soin de faire les présentation. "Voici Matt, mon mari.". Pour Ava, cette unique présentation dégoulinait de bons sentiments amoureux.

Une fois Grégoire, Michaël et Ava présentés, des amis de Ganymède à New-York, Matt sortit de l'eau, et présenta la table.

"J'espère que vous n'avez pas trop déjeuné... Pour le goûter, j'ai fait des crêpes, et nous avons aussi des brioches, et des petits trucs infernaux au chocolat. J'ai ramené des boissons fraîches, je vais aller chercher le reste.", annonça-t-il tout en se rendant à l'intérieur, non sans avoir déposé une bise sur la joue de Tim au préalable. De façon surprenante, il était déjà sec.

"Servez-vous ! Et si vous avez envie de quelque chose de spécial, n'hésitez pas.", déclara Tim tout en démarrant les hostilités en coupant la brioche.

-Non, j’écoute simplement… répondit Michael à Grégoire, sur un ton dont la neutralité n’était habillée que d’un petit tressautement de sourcil. Il était sur le point d’argumenter, quand la main de Grégoire vint se caler contre son cuir chevelu. C’est ce geste, plus que les paroles, qui apaisa complètement l’Autrichien. Réconforté, Michael renvoya son sourire à l’aérokinésiste, avant que celui-ci ne retourne à la hauteur de Tim.

C’est à ce moment qu’il se rappela de la présence des autres, soit Tim et Ava. Il ne connaissait pas vraiment le fonctionnement du pouvoir de cette dernière, mais en savait juste assez pour se demander si son cœur à elle aussi avait raté une pulsation. C’est d’ailleurs le muscle cardiaque léger que Michael se permit de demander :

-Qu’est-ce que c’est, du calva?

Il voulut ensuite faire mine de ne pas avoir entendu le commentaire de Tim sur les cachotteries de Grégoire, mais ne put s’empêcher d’avoir un faible sourire triomphant. Rempli de curiosité, il ne répondit pas à l’interrogation de leur hôte, mais ça ne l’empêchait pas d’être très intéressé par la réponse que Grégoire donnerait. Tout comme il s’intéressa à la génèse de l’amitié entre les deux français.

Remarquant le jacuzzi qui faisait partie intégrante de la piscine, Michael s’étonna légèrement et se demanda quel type d’emploi occupaient Tim et son colocataire. Oups, son mari.

-Enchanté! lança-t-il avec enthousiasme, en allant serrer la pince de Matt, à la sortie de la piscine. Elle était d’ailleurs étrangement sèche pour quelqu’un qui en sortait tout juste. Ce devait être un mutant au pouvoir d’imperméabilité, ou quelque chose dans ce goût là, conclut Michael.

Et la crainte de Michael se concrétisa : la table remplie de douceurs était bel et bien destinée à être croquée sur-le-champ. Et oui, il avait trop déjeuné. En fait, non. Pas trop. Bien déjeuné, beaucoup déjeuné, oui, mais pas trop. Un germain déjeunait beaucoup, par définition! C’était le repas le plus important de la journée, celui qui permettait de bien la débuter et… il n’avait pas faim. Mais son regard croisa celui d’une chocolatine qui ne demandait qu’à se faire croquer et dévorer. Par définition, un germain ne pouvait pas non plus résister au chocolat, sous quelque forme qu’il soit…
Aussi sa main s'étira-t-elle pour prendre la pâtisserie et la porter aux lèvres de Michael.

Grégoire fut plongé dans ses pensées dès l'instant où Tim mentionna les mots cidres et calva comme si ces deux alcools, telles d'énormes madeleines, lui permettaient en l'instant de le renvoyer plusieurs années en arrière. Grégoire fut rapidement sorti de sa rêverie par la plaisanterie de son ami.

« Des cachotteries ? Des cachotteries... » répéta Greg d'un ton monocorde. Est-ce que le français parlait de son attention envers Michael ? Il n'y avait pourtant rien de mal, rien de suspicieux dans ces marques d'affection. Du moins, c'est ce qu'il avait toujours cru.

Grégoire ne put s'empêcher de rougir un peu et de sourire bêtement alors que tout le monde semblait avoir compris ce dont il était question. Il se retourna vers Michael afin de feindre, d'un signe de tête son incompréhension la plus totale.

« Le calva, c'est un alcool de chez nous. C'est un peu fort mais ça a un très bon goût de pommes. Je me rappelle quand on allait chez... » Greg s'interrompit quand il remarqua le jeune homme présent au milieu de la piscine. Il resta scotché sur la vision qui s'offrait à eux : un éphèbe a moitié nu duquel on arrivait à peine à discerner la tête au milieu de tous ces muscles proéminents. A moins qu'il ne s'agisse d'un mutant dont le pouvoir était de se gonfler d'air telle une bouée afin de ne pas couler : le mystère était entier.

Grégoire lui sourit en guise de bonjour et s'assit à table pour répondre à l'invitation de Tim. Il se tourna vers Ava, l'oeil moqueur : « Toi, je suis sûr que tu voudrais directement passer au calva, non ? »

« Matt est de Ganymède aussi ? » demanda Grégoire avant d'ajouter, une fois que le jeune homme était revenu : « Tu fais quoi dans la vie ? » Il s'était servi une part de brioche, fraîchement coupée par Tim.

Michael? Bouder? Non... Si peu... Il était, visiblement, vexé de s'être fait gentiment rappeler à l'ordre par Tim. Ava, pour sa part, n'était pas du genre à se vexer aussi facilement, et prenait les choses comme elles venaient. D'ailleurs, plutôt que de laisser l'autrichien ruminer dans son coin, elle lui envoya une vague du sentiment amical qui régnait dans la troupe, tout en écoutant les explications de leur hôte, sur la production de pommes, d'abord, puis sur sa rencontre avec Grégoire, ensuite. Et pour le coup de l'histoire des cachotteries de son coéquipier? Elle passa outre la gêne de celui-ci. Si ça continuait, c'était elle qui allait ressentir une gêne quelconque, et elle ne savait pas encore à quel point.

Enfin, ils arrivèrent près de la piscine où un jeune homme fort à son goût barbotait. Il sortit de l'eau en les voyant arriver, aussi sec que s'il n'y était jamais entré. La jeune femme ne put s'empêcher de l'admirer, des pieds à la tête et de la tête aux pieds. Mmmh... J'en ferais bien mon... avant de stopper net le flot de ses pensées lorsque Tim procéda aux présentations, et qu'elle ressentit les émotions du jeune homme à ces propos. "Y a-t-il un seul type chez Ganymède qui soit pas attiré par un aut' mec?" ne put-elle s'empêcher de lâcher avant de se reprendre: "Désolée Tim. T'as bon goût, en tout cas..." ajouta-t-elle avec un sourire avant de se tourner vers Greg: "J'crois aussi..." glissa-t-elle à l'oreille de l'aérokinésiste.

Pour sa part, l'américaine prit une crêpe avant de poser les questions qui s'imposaient dans de telles circonstances: "Vous vous connaissez d'puis longtemps, tous les deux?"

Matt était revenu avec des bouteilles de Cidre, et une sur laquelle des pommes étaient peintes, probablement la fameuse bouteille de Calva. Il n'avait néanmoins pas pris la peine de passer un t-shirt.

Tim ne fit pas de commentaires à la remarque d'Ava, se contentant de faire la moue, puis retomba sur son petit nuage dès que son mari fut à nouveau à moins de 5m de lui... Ce fut d'ailleurs le mari qui répondit, tout en se servant de petits gâteaux.

"Je bosse dans le bâtiment, je fais un peu de tout. Électricité, menuiserie, parquet, carrelage, plomberie... Je bricole quoi. C'était pratique pour retaper la ferme, même si je ne suis pas un super pro de la mort."

Puis, une question d'Ava :

"On se connaît depuis quatre ans et demie.", déclara-t-il en transpirant d'un bonheur indécent et exaspérant.

Tim compléta

"On s'est connu en mission en fait. Moi pour l'Institut, et lui pour Ganymède...", avant que Matt ne précise rapidement, comme si la question de Tim à l'Institut était glissante.

"Il y avait tout un plan pour que deux membres, Hope et Derek Hunter, passent pour morts auprès de l'Institut et de certaines autres personnes engagées dans un projet appelé Overmind. J'étais censé être le terrible exécutant."

Il rit et enfourna ses gâteaux, laissant le soin à Tim de conclure.

"Et donc, on était sur Génosha. Nous avons été attaqués par un genre de robot géant, et Matt est arrivé, et l'a fondu. Ça a été le coup de foudre direct, je suis reparti avec lui."

Cela semblait être un souvenir particulièrement plaisant, au vu du regard lourd de sous-entendu qu'ils s'échangèrent.

D'un signe de tête, Grégoire avait fait comprendre à Michael qu'il n'avait aucune idée de quelle cachotterie Tim pouvait bien faire allusion. D'une moue, il venait de faire éclater les espoirs de Michael, mais sa naïveté, plutôt que d'embêter l'Autrichien, valut un torrent d'affection à l'égard du charmant français. Toutefois, la vague se tarit bien rapidement et Michael ressentit subitement un platonique sentiment de franche camaraderie à l'égard de son coéquipier. Surpris par le volte-face de ses émotions, il ne comprit pas immédiatement de quoi Grégoire lui parlait, puis analysa, à l'explication de son ami, que le Calva était un espèce de Schnaps français.

À l'interrogation d'Ava, Michael haussa les épaules et répondit, sans gêne devant ses amis :
-Je trouwe qu'il y des filles aussi attirantes que des garçons. De toute manière, ce n'est pas l'enweloppe charnelle qui compte, mais ce qui est à l'intérieur.

C'était peut-être kitsch, mais c'était ce qu'il pensait vraiment. Et puis, entre amis, ils n'avaient rien à se cacher, n'est-ce pas? D'ailleurs, Ava faisait des secrets à Grégoire, et c'est en réalisant qu'il était heureux de leur complicité, plutôt que jaloux, que Michael se douta finalement de ce dont il s'agissait. L'Américaine venait-elle de lui bousiller le système émotionnel pour flirter avec Grégoire? Peut-être. Aussi grave qu'était la nouvelle, pourtant, Michael en restait bien calme et s'intéressa plutôt à l'histoire de Tim et Matt.

-C'est super romantique! Pour un peu, on pourrait transformer le robot en dragon, et on aurait presque un conte de fées! Vous ne trouwez pas? s'enquit-il auprès des deux autres.

La remarque d'Ava piqua Grégoire au vif : venait-elle de sous-entendre qu'on ne pouvait pas être membre de Ganymède sans être hétérosexuel ? Venait-elle donc d'étiqueter le français comme gay ? Cette idée ne plu pas du tout à Grégoire qui plissa les yeux avant de baisser la tête pour regarder à ras le sol.

Lorsque Micheal lança à qui voulait l'entendre qu'il pouvait trouver des filles aussi jolies que des garçons, Grégoire refréna un sourire : que cherchait-il à prouver ? Il regarda l'autrichien du coin de l'oeil, sans dire un mot.

Il écouta, silencieux, les explications de Matt, puis de Tim. Leur vie, leur rencontre... Grégoire hésita avant de poser la question qui le démangeait depuis quelques temps. Il ne savait pas quelle réaction il pouvait avoir et surtout aujourd'hui en présence de celui qui partageait sa vie durablement. D'une voix timide, il se risque :

« Génosha, oui, je me souviens avoir lu des rapports de mission là dessus à l'Institut. Mais... Pourquoi as-tu quitté l'Institut ? Et puis ton équipe... et... », « ta copine » aurait voulu dire mais n'osa pas, par égard pour Matt.

Le pavé dans la mare lancé, Grégoire enchaîna avec Nova Consortium, demandant à Tim ce qu'il avait pu avoir comme informations durant ses recherches.

Non, Ava n'avait pas étiqueté Grégoire comme gay, même s'il était un peu un mystère pour elle à ce sujet. Pour Michael, c'était clair à présent. Mais pour le français, elle hésitait entre bi, comme elle, et gay, le fait était et ce, sans doute à cause de l'effet qu'il faisait à certains garçons du groupe - Michael par exemple - et à la façon dont il s'était plus ou moins conduit avec Markus au début de la crémaillère de celui-ci. Mais là n'était pas la question. La question était qu'ils en étaient à prendre un goûter, et que l'américaine n'avait absolument pas faim. En même temps, la jeune femme commençait à trouver le temps long, bien que savoir comment Tim avait rencontré Grégoire puis son mari était intéressant. Mais ce n'était pas pour ça qu'ils étaient là, en même temps. Enfin... Pas complètement. Et puis en même temps, ils parlaient à présent de choses que la jeune femme n'avait pas connues et il fallait bien reconnaître qu'elle commençait à se sentir dépassée.

Aussi la jeune femme écouta-t-elle la conversation sans plus s'en mêler. Michael ne boudait plus, c'était déjà là l'essentiel. Mais il fallait reconnaître qu'à présent, elle avait envie d'avancer. Etre seule avec quatre beaux mecs c'était une chose, mais les sentiments qui les liaient les uns aux autres - Tim avec son mari et Grégoire et Michael - pour l'empathe qu'elle était, c'en était une autre. D'un autre côté, elle se voyait très mal être la première à remettre l'autre sujet sur le tapis, malgré son franc parler dont elle avait très vite compris qu'il ne plaisait pas à tout le monde, pour ne pas dire à personne.

Heureusement, Grégoire reparla de Nova Consortium. Peut-être maintenant était-il temps d'entrer dans le vif du sujet, le dessert étant servi sur la table...

Matt sourit à Michaël qui trouvait que cette rencontre, sur une plage abandonné, robot tueur activé, était très romantique. Quelque part oui. Ça l'était. Il se tourna vers Tim pour entendre sa réponse à la question de Grégoire. Sans doute la connaissait-il déjà, ou bien pas, mais en tout cas, il dévorait de la brioche pendant ce temps.

Tout en tartinant de la confiture sur une crêpe, Tim expliqua :

"Il y a des moments dans la vie où il faut faire des choix. Une situation se présente, elle peut engager toute la vie, et il faut se décider."

Il plia alors consciencieusement sa crêpe.

"C'était sympa d'être à l'Institut, mais au final, Ganymède m'a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. J'ai énormément progressé, j'ai repris mes études, trouvé un boulot normal, accédé à des responsabilités. Et puis j'ai rencontré Matt.", il lui prit la main "Alors au final, est-ce que c'était le bon choix ? Je ne sais pas ce qui se serait passé si j'étais resté, mais ce que je sais, c'est que ma vie a évolué vers quelque chose de meilleur depuis que je suis là, alors je ne regrette rien."

Au final, Tim avait joué son départ sur un simple coup de dés. Ça lui avait semblait-il réussi... Alors que Tim mangeait sa crêpe, Matt, qui avait englouti à lui seul la moitié de la brioche, fit remarqué.

"C'est rigolo qu'on reparle de tout ça et de l'overmind...", était-ce simplement parce que ça rappelait des souvenirs ? Matt continua. "En fait, l'overmind, c'était un projet de Ganymède à Paris. Ils voulaient faire une machine pour aider les télépathes, ou un truc du genre. On avait une société-écran, pour recruter des scientifiques, et occuper des locaux : FG Research and Technology. Finalement, ça a mal tourné et tout a été arrêté, et la société dissoute."

Tim s'interrompit dans sa dégustation, pour expliquer.

"Sauf qu'en fouillant dans la compta de Ganymède-Paris, j'ai vu qu'il y avait des transferts de fonds pour FG Research and Technology. En enquêtant, j'ai appris que cela aboutissait à un trust appelé Nova Consortium, basé aux États-Unis. Vous savez quelque chose sur tout ça ?"

Tout comme Ava, Michael suivait désormais la discussion sans plus s'en mêler. Lui aussi avait lu les anciens rapports de missions des X-Rays et, bien qu'il partageait la curiosité de Grégoire, il ne se serait pas essayé à poser ces questions. C'est peut-être la raison pour laquelle le Français tenta de changer rapidement de sujet, une fois celui-ci lancé. Pour retourner sur le sujet de nova consortium. Étaient-ils déjà au dessert? Michael soupira d'aise, à l'idée qu'ils n'avaient pas eu droit au repas complet! Il restait tout de même un peu anxieux quant à la réaction de leurs hôtes.

Tim répondit aux questions d'ordre personnelles par lui-même, mais ce fut son mari qui prit le relai pour les questions d'ordre plutôt professionnelles. Ébahi par le talent de Grégoire pour trouver le moment opportun d'aborder le sujet, Michal sortit son portable en réfléchissant. Après tout, Tim avait eu le temps de leur présenter verger, maison, mari et nourriture, c'était probablement ce que Grégoire avait conclut et la raison pour laquelle il s'était permis d'en reparler. Ce garçon était véritablement génial. Pour un peu, Michael l'aurait gratifié d'une grande tape amicale dans le dos. Mais il avait les deux mains pleines sur son bloc-note électronique. Il y avait sauvegardé la discussion tenue sur le forum de Ganymède-NY au sujet de Nova Consortium et pourrait donc y faire référence sans se tromper.

Levant le nez de son portable, Michael entreprit de répondre au Normand.

-Oui, un peu. Il y a trois autres entreprises qui font parti de Nova Consortium :CX Future Investment, Paradise Estate et Olympus Shareholders. Nova est géré par une dame, Emma... Nu... Nymton après avoir vérifié le nom, Michael rapporta la terrible conclusion. Le plus intéressant, c'est que le trust se spécialise dans l'inwestissement foncier et immobilier, et qu'il a racheté tous le quartier autour du vieil institut.

Toutefois, le fait que FG Research & Technology soit la propre société-écran de Ganymède-Paris était une bonne nouvelle en soi : ça leur permettrait peut-être d'avoir un meilleur accès aux paperasses du trust, ou peu importe comment ça fonctionnait...

Grégoire écouta l'explication de Tim en hochant la tête régulièrement, lui témoignant son intérêt. L'histoire était belle et semblait bien sincère. Ce qui était sûr c'est qu'on ne pouvait pas dire que ces deux-là ne se témoignaient pas leur affection. Ce qui ne manquait pas de gêner Grégoire. Il ne savait pas d'où venait ce sentiment : le fait qu'il n'était, lui-même, pas très démonstratif, le fait qu'il s'agisse d'une histoire d'amour entre deux hommes ou la présence de Michael. Quoi qu'il en soit, il ne rebondit pas sur la dernière remarque de Tim et laissa Matt enchaîner.

Grégoire n'avait suivi que de très loin les recherches d'Elly et de Bozy dans les ruines de l'Institut. Ainsi, il fut ravi de voir que Michael prit les choses en main et qu'il avait archivé les informations détaillées quant à Nova et compagnie.

Lorsqu'il eut fini d'énoncer les dernières découvertes de la Fondation concernant cette affaire, l'aérokinésiste ne put s’empêcher de revenir sur les mots de Matt.

« Tu penses qu'il est possible que le projet Overmind soit de nouveau d'actualité ? Quand tu dis que ça a mal tourné ? C'est à quel niveau ? Il reste des bâtiments que l'on pourrait visiter pour nous donner quelques pistes ? »

L'Overmind? Mais qu'est-ce que c'était que ce machin? Ava fronça les sourcils un bref instant, gênée de s'avouer ignorante. Les recherches papier n'avaient jamais été son fort, mais il lui semblait que ses compagnons d'aventure en savaient bien plus qu'elle. Par expérience? Parce qu'ils avaient fait des recherches? Difficile à dire. Fort heureusement pour elle, Matt expliqua que c'était pour les télépathe. Brave garçon... songea-t-elle, gardant toujours le silence pour essayer de comprendre quelque chose à ce qu'il racontait.

Visiblement, Ganymède Paris avait, au moins un temps, été mêlé à tout ça. De là à penser que la Fondation était liée à ces fameuses sociétés sur lesquelles ils enquêtaient au sujet de la disparition de cet Institut si cher au coeur de ses coéquipiers, il n'y avait qu'un pas... qu'Ava était prête à franchir. "C'que vous voulez dire, c'est qu'Ganymède s'rait mêlé à ça?" demanda-t-elle carrément à Matt à à Tim. Cash, clair, concis, c'était tout elle, de toute façon. Faire des détours, ce n'était pas son fort. Et de toute façon, pour le moment, elle ne voyait pas trop ce qu'elle aurait pu dire d'autre pour faire avancer le schmilblick.

Matt regarda Tim d'un air gêné alors que Grégoire demandait ce qui avait mal tourné exactement. Ava put sans peine sentir la gêne qui envahissait les deux. C'était selon toute vraisemblance un épisode très peu glorieux de l'Histoire de Ganymède. Tim tâcha d'expliquer :

"Et bien... Le projet overmind a été infiltré par des gens sans scrupules qui ont voulu le détourner de sa vocation initiale pour détruire les mutants. Ils ont trop attiré l'attention, et finalement, l'Institut Xavier a déclenché une attaque et tout détruit."

Une version pas mal résumée, qui omettait précisément de dire quel était le rôle complet de Ganymède là-dedans. Matt se sentit obligé d'ajouter, pour répondre à Grégoire :

"Le projet a été abandonné depuis longtemps. Il reposait quasiment entièrement sur des technologies qui ont été perdues depuis, et sur un mutant qui travaillait à partir de cela... Il n'y a aucun risque de ce point de vue. FG Research & Technology était installée à l'ouest de Paris. Le bâtiment a été sévèrement dégradé par l'attaque de l'Institut. On y est passé avec Tim, ça a été réparé.... Enfin... Disons que l'arbre qui avait transpercé le toit a été retiré."

Tim semblait toujours à peu près gêné, surtout par la question d'Ava en fait. Il se décida finalement à cracher le morceau.

"Pour diriger Ganymède Paris, je peux dire une chose : il n'existe pas un projet en Europe, et probablement même dans le monde, dont Ganymède ne soit pas mêlé de près ou de loin." Il ne disait néanmoins pas cela avec fierté. "Une partie du boulot de la Fondation est de tout savoir, et de tirer ses marrons de tout feu. Même si des fois, à trop s'approcher du feu, on finit par se brûler, c'est ce qui s'est produit avec l'overmind."

Matt prit à nouveau la main de Tim. Seule Ava pouvait détecter que quelque chose clochait, et que Matt se faisait du soucis, à propos d'une chose que Tim ne disait pas, essayant de détourner l'attention en continuant à parler.

"Je ne sais pas trop pourquoi la Fondation finance une entreprise qui rachète les terrains de l'Institut. Peut-être espèrent-ils creuser un trou pour y ramasser quelque chose, ou bien c'est juste pour spéculer sur le foncier... Mais il est aussi possible qu'il se trame quelque chose que la Fondation souhaite garder sous surveillance. La meilleure stratégie est d'y prendre part directement pour ces choses là..."